Côte d’Ivoire : le camp Ouattara dénonce les « tueries aveugles » de Gbagbo à Abobo

Dans le quartier pro-Ouattara d’Abobo, à Abidjan, les FDS ne font désormais plus le détail entre civils et combattants. Tirs de mortier, roquettes, hélicoptères de combat… Laurent Gbagbo, dont la  légitimité n’est pas reconnue par l’UA, semble rentrer de plein pied dans une logique de guerre civile en plein cœur d’Abidjan. Il y aurait déjà au moins huit morts.

Le corps d’une jeune fille tuée à Abobo, le 11 mars 2011. © AFP

Le corps d’une jeune fille tuée à Abobo, le 11 mars 2011. © AFP

Publié le 13 mars 2011 Lecture : 4 minutes.

Mis à jour à 16h25.

Les forces fidèles au président ivoirien sortant Laurent Gbagbo, ont mené samedi dans le quartier d’Abobo pendant plusieurs heures la première grande offensive de la crise posélectorale ivoirienne, appuyée par des hélicoptères et blindés.

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Le camp Ouattara a dénoncé des "tueries aveugles" de "civils innocents", qualifiant l’opération, la première d’envergure depuis le début de la crise post-électorale fin novembre, d’"offensive du désespoir" du pouvoir.

En milieu de soirée, les tirs d’arme lourde ont cessé, ont constaté des journalistes de l’AFP. Cette brutale dégradation de la situation intervient deux jours après un sommet de l’Union africaine à Addis Abeba ayant confirmé le blocage politique: si l’UA a reconnu comme président élu M. Ouattara, le camp Gbagbo a catégoriquement rejeté cette position.

Le président sortant "tient à rassurer la population quant à l’issue certaine de cette crise" post-électorale, selon un communiqué lu à la télévision. Il "appelle toute la population à rester calme et l’informe qu’il s’adressera bientôt à toute la Nation". L’offensive a été lancée samedi en fin de matinée dans le quartier pro-Ouattara d’Abobo (nord d’Abidjan) où des insurgés ont pris ces dernières semaines le contrôle de larges zones.

Au moins 8 hommes ont été tués lors des combats de samedi dans le quartier d’Abobo, à Abidjan, entre militaires fidèles au président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et insurgés favorables à son rival Alassane Ouattara, ont constaté un journaliste de l’AFP et un habitant.

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Corps sans vie

Quatre corps, criblés de balles et partiellement dévêtus, gisaient sur une route du quartier populaire d’Abobo, fief des partisans de M. Ouattara, a constaté dimanche un journaliste de l’AFP. Les victimes paraissaient âgées d’une vingtaine d’années. Ces corps ont été vus dans la zone du Plateau Dokui, près de la route du zoo. Un habitant rencontré sur place par le journaliste de l’AFP a affirmé avoir vu quatre autres corps, dans un autre quartier d’Abobo, dans la zone de la Sodeci, à l’entrée sud d’Abobo.

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Le bilan pourrait être bien plus élevé. Un peu plus tôt dans la matinée, à côté de l’église Sainte-Monique d’Abobo, un corps recouvert d’un grand sac noir était visible. Une habitante a également rapporté au témoin rencontré par l’AFP avoir vu "dans un bas-fond" d’Abobo deux autres corps. Mais il n’a pas été possible de vérifier cette information dans l’immédiat.

Quelque 1,5 million d’habitants

L’objectif des Forces de défense et de sécurité (FDS) loyales à M. Gbagbo est de "débarrasser Abobo des terroristes", selon une source à l’état-major. "Ca passe ou ça casse", a-t-elle indiqué à l’AFP. Selon cette source, "deux hélicoptères Puma, des lance-roquettes RPG ainsi que des blindés" sont utilisés par les FDS. Selon des témoignages, les insurgés sont équipés de kalachnikov et de lance-roquettes.

Quartier le plus peuplé d’Abidjan, ville dans la ville avec quelque 1,5 million d’habitants, Abobo est devenu l’épicentre de la crise, qui a fait près de 400 morts dans le pays selon l’ONU. Aux environs de 12H00 (locales et GMT), des tirs à l’arme lourde ont été entendus dans Abobo, situé au nord du quartier résidentiel de Cocody, un des centres du pouvoir.

Un habitant d’Abobo a dit à l’AFP avoir vu rouler vers Abobo quatre blindés, quatre transports de troupe "remplis de militaires", et "deux pick-up avec des mortiers". Un autre habitant a vu "deux chars qui ouvraient un convoi et deux qui le fermaient en tirant". Dans les environs de la gare d’Abobo, "il y a des échanges de tirs de blindés et de kalachnikov", a rapporté un habitant.

Dans le sous-quartier Plateau-Dokui, dans le sud d’Abobo proche de Cocody, un habitant a évoqué des tirs de mortiers: "on est tous enfermés chez nous. Personne ne peut sortir. C’est vraiment terrifiant". "On avait peur, on était terré chez nous. On entendait les tirs comme si cela était une vraie guerre. On voit des militaires FDS partout, ils sont en position de combat", a raconté une habitante de la zone d’Angré, un quartier de Cocody frontalier d’Abobo.

"Des obus sur des maisons de civils"

Selon plusieurs témoignages, une dizaine de véhicules militaires étaient positionnés samedi soir, à Angré, sur un axe routier menant à Abobo. Le porte-parole du gouvernement Gbagbo, Ahoua Don Mello, avait admis qu’Abobo, placé vendredi sous couvre-feu nocturne avec le quartier voisin d’Anyama, était "truffé de rebelles".

Pour Patrick Achi, porte-parole du gouvernement Ouattara, le camp Gbagbo est "dans sa logique de tueries aveugles" car "ils sont acculés, le dos au mur. Il ne leur reste que le spectre de la guerre civile, de susciter la terreur". "A un kilomètre de distance (d’Abobo), ils tirent des obus, à l’aveugle, qui tombent sur des maisons de civils. La majorité des tués sont des civils innocents, ce ne sont pas des affrontements militaires contre militaires", a-t-il ajouté.

Par ailleurs, un Ghanéen de la mission de l’ONU a été blessé samedi à Abidjan dans l’attaque d’un véhicule civil de l’Onuci, a déclaré la force onusienne. Plusieurs témoins ont identifié les agresseurs comme des jeunes pro-Gbagbo. Pendant ce temps, M. Ouattara enchaînait les rencontres avec ses alliés régionaux. Après le Nigeria et le Burkina, il est attendu au Sénégal.

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