Libye : l’insurrection perd du terrain face aux troupes de Kadhafi

Le régime libyen tentait de reprendre la main dimanche, avec des raids aériens contre les insurgés et des manifestation de « victoire » à Tripoli, affirmant avoir reconquis plusieurs villes, ce que l’insurrection dément bien qu’elle ait cédé du terrain.

Manifestation de soutien au régime de Kaddafi dans les rues de Tripoli, le 6 mars 2011. © AFP

Manifestation de soutien au régime de Kaddafi dans les rues de Tripoli, le 6 mars 2011. © AFP

Publié le 6 mars 2011 Lecture : 4 minutes.

Au 20e jour d’insurrection, le colonel Mouammar Kadhafi s’est déclaré favorable à l’envoi d’une commission d’enquête « des Nations unies ou de l’Union africaine » pour évaluer la situation. Il a également brandi les spectres d’Al-Qaïda et d’une immigration massive en Europe.

La révolte prend désormais des allures de guerre civile et la télévision d’État libyenne a annoncé que des forces fidèles au colonel Kadhafi étaient en route vers Benghazi, fief de l’opposition à près de 1 000 km à l’est de Tripoli.

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L’insurrection stoppée à Ben Jawad

L’armée libyenne a déjà tenté ces derniers jours de lancer une contre-offensive pour stopper la progression des insurgés, bombardant Ajdabiya et Brega, à l’ouest de Benghazi.

Mais l’insurrection, un mélange de jeunes sans réelle expérience du combat et de militaires ralliés à l’opposition, a malgré tout réussi à avancer jusqu’à la ville pétrolière de Ras Lanouf, à 300 km au sud-ouest de Benghazi.

La télévision d’État a affirmé dimanche que le gouvernement avait repris le contrôle de Ras Lanouf, de Tobrouk (est) et de Misrata (ouest). Elle a diffusé des images de « manifestations de joie » à Tripoli, Syrte, la ville natale du colonel Kadhafi, et Sebha (sud).

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Mais les insurgés ont immédiatement contesté la reprise des trois villes.

Selon des journalistes de l’AFP sur place et les insurgés, Ras Lanouf était toujours contrôlée dimanche matin par ces derniers. Dans la matinée, les forces pro-régime ont cependant mené deux raids, sur un camp de rebelles et sur un poste de contrôle, apparemment sans faire de blessés.

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En revanche, des combats ont forcé les insurgés à se retirer de Ben Jawad, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Ras Lanouf et d’où ils avaient espéré avancer jusqu’à Syrte, ville natale du numéro un libyen, une centaine de kilomètres plus à l’ouest.

À 3h00 du matin, les pro-Kadhafi « ont expulsé femmes et enfants et ont occupé leurs maisons », a raconté un insurgé, Fathi Al Gadaf. Des femmes ont prévenu les insurgés par « des gestes de la main, des signes. Certains soldats cachés ont alors lancé l’embuscade ».

Selon un médecin, les combats ont fait deux morts et une trentaine de blessés, dont un journaliste français. Dimanche après-midi, un journaliste de l’AFP a encore entendu des tirs d’artillerie près de Ben Jawad.

Les insurgés libyens ont également contesté la reprise de Tobrouk. « La région allant d’Ajdabiya à la frontière égyptienne est sous notre contrôle », a assuré Fateh Faraj, un membre du conseil des insurgés à Tobrouk, joint par téléphone.

Offensive à l’arme lourde à Misrata

À Misrata, 3e ville du pays à 150 km à l’est de Tripoli, un habitant et un insurgé ont déclaré par téléphone à l’AFP que la ville était contrôlée par l’insurrection, mais qu’une offensive gouvernementale à l’arme lourde était en cours.

« Les chars tirent des obus sur le centre-ville, près du siège de la radio », a expliqué un habitant. « Les habitants n’ont pas d’armes. Si la communauté internationale n’intervient pas rapidement, ce sera le carnage », a-t-il ajouté.

À Tripoli, le régime a orchestré une manifestation de soutien au colonel Kadhafi pour célébrer la « victoire ». Soldats, policiers et miliciens ont tiré en l’air en signe de joie. « Nous avons gagné, Al-Qaïda est parti », affirmait un soldat. Dans le centre, 4 000 à 5 000 partisans de Kadhafi se sont rassemblés sur la place Verte.

Samedi, le gouvernement avait mené une importante contre-offensive à Zawiyah, à 60 km à l’ouest de Tripoli, tuant au moins sept personnes selon une source médicale.

Sur le plan politique, les insurgés continuaient de s’organiser. Le Conseil national créé le 27 février par l’insurrection s’est réuni samedi pour la première fois et s’est déclaré « le seul représentant de la Libye ».

La France favorable à une zone d’interdiction aérienne

Dimanche, la France a salué ce Conseil national, apportant son « soutien aux principes qui l’animent et aux objectifs qu’il s’assigne ». Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a cependant estimé qu’une intervention militaire aurait des « effets négatifs » et s’est prononcé en faveur d’une zone d’interdiction aérienne pour empêcher les bombardements.

Londres a confirmé qu’une « petite équipe diplomatique » britannique se trouvait à Benghazi. Selon l’opposition libyenne, un diplomate et des militaires britanniques ont été arrêtés après leur arrivée dans une zone contrôlée par les insurgés et se trouvent désormais « en sécurité ».

À l’ONU, des diplomates ont annoncé dimanche que la commission des sanctions sur la Libye tiendrait sa première réunion dans les prochains jours et serait présidée par le Portugal.

Plus de 191 000 personnes ont fui à ce jour les violences et environ 10 000 personnes déplacées se dirigeaient vers la frontière égyptienne, selon l’ONU.

Le Royaume-Uni, qui a déjà évacué vers Le Caire plus de 6 000 Égyptiens réfugiés à la frontière tunisienne, a annoncé dimanche qu’il allait rapatrier 500 Bangladais ayant fui les violences en Libye.

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