À Tunis, une manifestation pour appeler à la reprise du travail
Rassemblés samedi sur le complexe sportif d’El-Menzah, près de Tunis, des milliers de personnes, se réclamant de la majorité silencieuse, ont fait entendre leur voix : se remettre au travail, plus d’un mois et demi après la chute de Ben Ali.
« Construisons notre pays : Étudions, Travaillons » : tel est le credo des protestataires – cadres, étudiants, avocats, hommes d’affaires ou activistes – qui se sont rassemblés une dernière fois samedi, comme ils le faisaient tous les jours depuis lundi après le travail.
Ce mouvement dit des « Tunisiens Indépendants » a été perçu comme une réplique au sit-in des protestataires de la Kasbah, le quartier du gouvernement à Tunis, qui a levé le camp vendredi après l’annonce de l’élection en juillet d’une Assemblée constituante, sa principale revendication.
"Je m’engage" plutôt que "dégage"
Sur la place de la Kasbah, les jeunes ont crié toute la semaine « Dégage ! », le mot fétiche du mouvement qui a fini par emporter Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier, pour obtenir la démission (dimanche) du Premier ministre intérimaire Mohamed Ghannouchi. Samedi les protestaires d’El-Menzah ont répliqué par « Je m’engage ».
« Je n’en peux plus de ce "Dégage !". Si chacun s’engage un peu, nous arriverons à faire avancer la Tunisie démocratique tant souhaitée », déclare Raoudha Najjar, une experte en coaching, présente à la Coupole d’El-Menzah.
« J’ai bon espoir qu’on y arrivera même si le processus sera long », ajoute-t-elle.
Une autre manifestante est plus « oecuménique » : « Le sit-in de la Kasbah et le meeting d’El-Menzah se rejoignent », dit Olfa Khalil Arem, une consultante en gestion d’entreprises.
Dans la foule, la discussion s’anime, donnant lieu parfois à de vifs échanges. Certains sont venus en famille.
« On espère voir le pays se remettre au travail, arrêter ces sit-in et ces grèves qui ont réduit à zéro le taux de croissance économique », dit un universitaire qui a requis l’anonymat.
Abdessalam Jrad contesté
Un orateur enflamme l’auditoire en scandant un slogan hostile au secrétaire général de la puissante centrale syndicale, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), Abdessalam Jrad, lui promettant le même sort que Ben Ali.
Chacun y va de sa diatribe : « Jrad a soutenu Ben Ali », dit l’un. Un autre le soupçonne de « malversations », alors qu’un troisième arbore une pancarte proclamant « Jrad = Honte ».
L’ambiance reste malgré tout sereine : « Nous disons à ceux qui veulent fomenter des troubles que nous serons toujours vigilants », lance un orateur.
« Nous ne nous taisons plus et nous accordons un préjugé favorable au président et au Premier ministre » intérimaires.
Dans un communiqué, les organisateurs du rassemblement écrivent emphatiquement : « Nous nous engageons tous [à reprendre] les études et le travail pour édifier la Tunisie de la liberté, de la justice et de la démocratie. »
Comme les protestataires de la Kasbah, ceux d’El-Menzah affirment « rester vigilants pour préserver les acquis du pays et les principes de la révolution ».
À la Kasbah, la vie a retrouvé son cours normal. Des jeunes effacent les derniers graffitis qui avaient transformé les façades blanches des bâtiments gouvernementaux en une sorte de Mur de Berlin. Avant que tout ne disparaisse des passants prenaient des photos des derniers slogans avec leurs portables.
Signe de la normalisation, l’avenue Habib Bourguiba, épicentre de la contestation, était particulièrement animée samedi. « Cafés-trottoirs » (cafés à terrasse) bondés et magasins ouverts. Le week-end dernier, c’était un champ de bataille, les affrontements avaient fait cinq morts.
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