Au Tchad, début d’indemnisation pour les victimes d’Hissène Habré

Les premiers paiements du gouvernement tchadien sont versés aux victimes et parents de victimes de l’ancien chef de l’État, renversé en 1990. Mais cela ne solde pas tous les comptes.

© Damien Glez

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Publié le 6 mars 2024 Lecture : 2 minutes.

Le calendrier réserve parfois de drôles de surprises. Au moment où le général Mahamat Idriss Déby Itno vient d’annoncer sa candidature à la présidentielle tchadienne du 6 mai et alors que le Parti socialiste sans frontières (PSF) pleure la disparition de l’opposant Yaya Dillo, tué par les forces de l’ordre, le Tchad a commencé à indemniser les victimes d’Hissène Habré.

Ce mardi 5 mars, un communiqué la Commission internationale de juristes (CIJ) révélait que « les paiements » des premières indemnisations du gouvernement aux victimes de l’ancien régime avaient commencé le 23 février. Un peu moins de trois ans après le décès de l’homme d’État tchadien, et huit ans après sa condamnation à perpétuité, ce sont 10 milliards de francs CFA (environ 15 millions d’euros) qui devaient être versés aux « survivants des prisons » et aux « familles de ceux qui ont été tués sous Habré », soit environ 10 800 victimes ou parents de victimes. Le président de l’Association des droits humains au Tchad, Djidda Oumar, a précisé que chaque victime recevrait « 925 000 F CFA […] à parts égales », qu’elle soit « directe ou indirecte ».

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Bien, mais…

Satisfaits de voir les premiers versements effectués, les observateurs notent tout de même que l’indemnisation ne sera qu’au milieu du gué. À Dakar, la cour d’appel des Chambres africaines extraordinaires qui avait condamné Hissène Habré, en 2017, avec le soutien de l’Union africaine (UA), avait accordé aux victimes 82 milliards de F CFA (125 millions d’euros). Et la CIJ considère déjà que cette somme représente « beaucoup, beaucoup moins » que ce à quoi les plaignants pourraient légitimement prétendre « en vertu du droit international ».

Le tribunal spécial avait notamment mandaté un fonds de l’UA chargé de puiser des dédommagements dans les biens du condamné et dans des contributions volontaires. Mais ce fonds n’est toujours pas opérationnel. La lenteur traditionnelle des procédures judiciaires ne tient guère compte du fait que de nombreuses victimes rescapées sont décédées, après la chute d’Habré, il y a tout de même… 34 ans.

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En 2015, c’est la justice tchadienne qui avait exigé le versement de 75 milliards de F CFA (114 millions d’euros) de dommages et intérêts par le gouvernement et par 24 anciens agents de la police politique du régime Habré.

Une commission d’enquête tchadienne avait évalué à 40 000 le nombre de victimes de la répression. Condamné à Dakar pour crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvements, l’ancien despote y a purgé sa peine, jusqu’à sa mort, en 2021, à l’âge de 79 ans, des suites du Covid-19. Sa dépouille a été inhumée au Sénégal, pays où Hissène Habré avait pensé trouver la paix après sa chute, ignorant qu’il y serait arrêté, inculpé et jugé dans un cadre juridique inédit.

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