« Notre usine tourne à plein régime » : au Niger, après la levée des sanctions, le pragmatisme économique

Deux semaines après l’annonce de la Cedeao, les commerçants nigériens redécouvrent un quotidien sans pénurie d’électricité grâce à l’énergie importée du Nigeria. Mais terrestres ou aériennes, toutes les frontières ne sont pas rouvertes.

Le Niger importe 70 % de son électricité du Nigeria, avec qui il partage 1 600 km de frontières. © Kola Sulaimon / AFP.

Le Niger importe 70 % de son électricité du Nigeria, avec qui il partage 1 600 km de frontières. © Kola Sulaimon / AFP.

Publié le 7 mars 2024 Lecture : 3 minutes.

Camions bloqués, pénuries de liquidité, de produits alimentaires et de médicaments, coupures d’électricité, vols perturbés… À Niamey, la levée des sanctions les plus lourdes de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) « pour des raisons humanitaires » a été accueillie avec soulagement par les habitants et commerçants, qui constatent déjà une amélioration de la fourniture d’électricité.

Debout devant son salon de coiffure dans le quartier Dan Zama, Mohamed retrouve le sourire : « Les clients se bousculent pour se faire coiffer. »

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Le Nigeria, qui fournissait au moment du coup d’État environ 70 % de l’électricité du Niger, avait brusquement interrompu sa fourniture, provoquant des coupures de courant qui avaient affecté l’économie du pays.

La fin des pénuries d’électricité

« Ces mois de pénuries d’électricité nous ont mis en faillite », gronde Ayouba Ali, un vendeur de poulets congelés qui a déjà lancé de nouvelles commandes pour relancer son activité.

Depuis le début de mars, « le réseau de la Société nigérienne d’électricité [Nigelec] est reconnecté à la ligne électrique haute tension », longue de 820 km entre Niamey et Birnin-Kebbi au Nigeria, affirme une source proche de la Nigelec.

« Depuis le 1er mars, nous n’avons enregistré aucune rupture d’électricité. Notre usine tourne à plein régime, car nous essayons de rattraper les pertes de production engendrées par plus de six mois de perturbations », explique Saley Moussa, employé d’une usine de fabrication de sodas à Niamey.

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Transactions avec les banques étrangères

Le bras de fer politique et économique entre la junte du général Abdourahamane Tiani et la Cedeao, qui a réclamé en vain la libération du président déchu Mohamed Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel, dure depuis le coup d’État l’ayant renversé le 26 juillet 2023.

Dans la foulée de la Cedeao, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) a également levé ses sanctions impliquant notamment le gel des avoirs de l’État du Niger et la suspension des transactions financières en sa faveur.

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Pendant des mois, de longues files d’attentes s’étaient formées dans les principales banques du pays. Les clients étaient contraints de patienter plusieurs heures pour retirer des sommes d’argent limitées. « Les transactions bancaires sont désormais possibles avec les banques étrangères », confirme le responsable d’une banque de Niamey, même si le versement de certains salaires dans la fonction publique accuse encore du retard.

Des frontières toujours fermées côté Niger

Mais si deux semaines après l’économie nigérienne redémarre lentement, les militaires qui ont pris le pouvoir à la fin de juillet 2023 n’ont montré aucun signe d’apaisement diplomatique et maintiennent les frontières fermées, au contraire du Bénin et du Nigeria qui ont rouvert les leurs frontières.

Les obstacles placés en prévision d’une éventuelle intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) barrent toujours la route du Niger à Gaya (Sud-Ouest), sur le pont reliant ce pays au Bénin.

Le pragmatisme économique laisse toutefois entrevoir une ouverture prochaine des frontières. Avant le putsch, le corridor béninois accueillait 80 % du fret nigérien via le port de Cotonou, situé à un millier de km de Niamey. Ce port constitue également le terminal d’un oléoduc géant inauguré en novembre 2023 et qui doit permettre au Niger d’exporter 90 000 barils de brut par jour.

Le 5 mars, une délégation nigérienne a visité les installations douanières de part et d’autre de la frontière avec le Bénin. Et si l’espace aérien reste fermé aux vols en provenance ou à destination du Nigeria, la compagnie aérienne panafricaine Asky, basée au Togo, et Air Côte d’Ivoire ont annoncé le 2 mars la reprise de leurs liaisons vers Niamey. La compagnie ivoirienne est toutefois encore dans l’attente des autorisations nécessaires.

Reprise du dialogue avec la Cedeao

La levée des sanctions pouvait laisser entrevoir une reprise du dialogue avec les militaires au pouvoir au Niger, au Burkina Faso et au Mali qui ont annoncé leur retrait de la Cedeao à la fin de janvier. En même temps qu’il annonçait leur levée le 24 février, le président nigérian Bola Tinubu exhortait ces trois pays à reconsidérer leur décision et à ne plus considérer l’organisation comme une ennemie.

Des appels restés sans réponse. « Je ne veux pas commenter une décision d’une organisation à laquelle le Mali n’appartient pas », a ainsi déclaré le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.

L’annonce de la Cedeao est un « non-évènement » pour Niamey, qui envisage toujours la possibilité d’une éventuelle intervention militaire depuis les pays voisins, selon une source gouvernementale.

(Avec AFP)

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