Réchauffement climatique : le paludisme arrive sur les hauts plateaux

Les moustiques s’aventurent de plus en plus sur les hauts plateaux d’Afrique de l’Est, et avec eux la menace du paludisme, une possible conséquence du réchauffement climatique, même si les scientifiques demeurent divisés sur la portée de ce phénomène.

Cultures sur les collines du massif de Rwenzori, dans la région de Kabale, en Ouganda. © AFP

Cultures sur les collines du massif de Rwenzori, dans la région de Kabale, en Ouganda. © AFP

Publié le 29 novembre 2010 Lecture : 3 minutes.

"Nous avons vu ces derniers temps des vagues d’épidémies sur les hauts plateaux", témoigne le Dr Amos Odiit, jusqu’au mois dernier chef du département pédiatrique de l’hôpital Mulago (Kampala, Ouganda).

Le chef du programme ougandais de lutte contre le paludisme, Seraphine Adibaku, confirme l’apparition en 2007 d’épidémies dans la région de Kabale (2. 000 m d’altitude). "C’est le changement climatique. Kabale n’est plus aussi froid qu’avant", commente le Dr Adibaku.

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A quelque 200 km au nord de Kabale, dans le village de Bundibugyo, au pied de la chaîne montagneuse de Rwenzori, Yasamu Maate, un paysan octogénaire, témoignait à l’AFP: "avant, on n’entendait pas les moustiques et on n’avait pas de paludisme. Mais maintenant ils sont ici".

Le continent africain a gagné 0,7 degré en moyenne en un siècle. Ce réchauffement ne peut que favoriser le paludisme, un parasite transporté par certains types de moustiques femelles, incapable de se développer en dessous de 15 degrés.

Vif débat scientifique

L’importance à accorder à ce phénomène a été au centre de très vifs débats scientifiques débattues ces dernières années.

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"Il existe un lien très direct entre paludisme et climat", soutient le Dr Andrew Githeko, à la tête d’une unité de recherche nouvellement créée sur "le climat et la santé humaine" à l’Institut de recherche médicale du Kenya.

"A mesure que le climat va davantage se modifier, de plus en plus de régions deviendront adaptées à la transmission" du parasite, ajoute-t-il à l’AFP.

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Ce chercheur, membre du Giec (Groupe international d’experts sur le climat), cite ses recherches à l’hôpital Tumutumu de Nyeri (centre du Kenya, 1. 768 m altitude) mettant en parallèle l’augmentation de la température moyenne, désormais fermement installée au dessus de 18 degrés, et l’envolée des cas de paludisme.

Le Dr Githeko a contribué à un outil de prévision en ligne des épidémies de paludisme, en fonction de la pluviométrie et des écarts de températures, qui sera utilisé début 2011 au Kenya.

La théorie climatique est cependant rejetée comme trop mécanique par ses adversaires, pour qui l’évolution du paludisme dépend bien davantage des efforts de santé publique ou du développement économique.

Une rescapée du paludisme sous sa moustiquaire, en Afrique du Sud.

© AFP

Pas de fatalisme climatique

Le Pr Simon Hay, de l’Université britannique d’Oxford, vient ainsi de diriger un "Atlas du paludisme" qui "démontre qu’il n’y a pas eu d’expansion du paludisme dans les cent dernières années", mais au contraire "un retrait systématique (du parasite) des régions tempérées vers les Tropiques", alors même que le XXème siècle a été celui du réchauffement.

La plupart des chercheurs paraissent en tout cas s’accorder pour dire que s’il existe un lien théorique entre climat et paludisme, conforté par un certain nombre de constatations sur le terrain, l’Homme peut faire mentir tout fatalisme climatique.

Car pendant que les moustiques gagnaient en altitude, un effort international financier sans précédent a fait reculer le paludisme ces dernières années sur la planète.

Si 91% des 881. 000 morts dues chaque année au paludisme se trouvent toujours en Afrique, le Rwanda, Sao Tome ou l’Erythrée ont fait état de baisse de 50% des cas et des décès entre 2000 et 2006 grâce à une meilleure distribution de médicaments et de moustiquaires, selon la coalition internationale "Roll Back Malaria".

"Le changement climatique semble créer les conditions pour que le paludisme se développe plus en altitude, mais je suis persuadé que les programmes de lutte de ces dernières années ont un effet bénéfique bien plus important", estime Rory Nefdt, en charge du paludisme pour l’Afrique de l’Est et du Sud à l’Unicef.

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