Abdelmadjid Tebboune attendu en France trois mois avant la présidentielle algérienne

Reportée à deux reprises, la visite d’État du président algérien pourrait avoir lieu fin septembre ou début octobre. Soit en pleine campagne électorale pour la présidentielle de décembre 2024 en Algérie.

Emmanuel Macron salue le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avant son départ à l’aéroport d’Alger, le 27 août 2022. © Ludovic MARIN/AFP

Emmanuel Macron salue le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avant son départ à l’aéroport d’Alger, le 27 août 2022. © Ludovic MARIN/AFP

FARID-ALILAT_2024

Publié le 12 mars 2024 Lecture : 5 minutes.

Après deux reports, cette fois-ci serait-elle la bonne ? La visite d’État du président algérien Abdelmadjid Tebboune en France aura lieu fin septembre ou début octobre, a annoncé l’Élysée ce 11 mars, à l’issue d’un entretien téléphonique entre Emmanuel Macron et son homologue algérien. La présidence française indique que la date exacte sera annoncée ultérieurement.

Le communiqué précise également que les deux présidents ont évoqué « l’approfondissement du partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie dans la suite de la déclaration d’Alger d’août 2022, notamment sur le plan économique, énergétique, agricole, éducatif et culturel, ainsi qu’en matière de mobilités et d’échanges humains ».

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Un propos de la même teneur que celui du 24 mars 2023, qui intervenait après la crise survenue entre Paris et Alger conséquemment à l’affaire Amira Bouraoui, cette ressortissante franco-algérienne dont l’exfiltration de la Tunisie vers la France avait provoqué le rappel temporaire de l’ambassadeur d’Algérie en France. À l’époque, l’Élysée indiquait que les deux présidents « [avaient] souligné la nécessité de renforcer la coopération entre les deux pays dans tous les domaines, dans la perspective de la visite d’État en France du président Abdelmadjid Tebboune ».

La brouille du printemps 2023

La visite d’un président algérien en France aura rarement connu autant de reports, d’hésitations, d’incompréhensions et d’interrogations de part et d’autre. Ce voyage en France, Tebboune aurait normalement dû l’effectuer du 2 au 3 mai 2023. Le programme avait même été calé : parade aux Invalides, déjeuner de travail avec Emmanuel Macron, dîner d’État à l’Élysée avec des personnalités françaises et algériennes, visite à la Grande Mosquée de Paris… Le voyage devait se conclure par une séquence mémorielle au château d’Amboise pour rendre hommage à l’émir Abdelkader, qui y a été détenu avec sa famille et sa suite de 1848 à 1852.

À la demande des Algériens, la visite a été officiellement reportée le 17 avril 2023 après un échange téléphonique entre le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, et son homologue française, Christine Colonna. La raison invoquée ? Les deux parties n’ont pas suffisamment avancé sur les discussions autour des dossiers de coopération et de partenariat. Pas plus qu’elles n’ont fait évoluer la question des archives coloniales et celle des essais nucléaires français en Algérie de 1960 à 1966.

La fin de la brouille diplomatique et le retour de l’ambassadeur à son poste à Paris ont permis de relancer l’idée de cette visite. L’Élysée a d’abord proposé la date du 5 juin, mais celle-ci n’arrangeait pas le palais d’El Mouradia. Le 15 juin ? Pas retenu non plus. Les deux parties conviennent alors de poursuivre les contacts et les discussions. Deux personnalités, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et l’ancien gouverneur d’Alger et ancien ministre Cherif Rahmani, sont désignées pour débloquer les dossiers entre les deux pays. Mais les deux hommes n’ont jamais entamé leur mission et la perspective de la visite est renvoyée à l’automne 2023.

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Entretemps, Abdelmadjid Tebboune s’exprime sur ce dossier lors d’un entretien avec la presse nationale, le samedi 5 août, quelques semaines après ses visites en Russie et en Chine. « Nous attendons le programme de cette visite de la part de la présidence française, dit-il alors. Elle est toujours maintenue. » Et d’ajouter : « Nous ne sommes pas tombés d’accord sur le programme de cette visite. Une visite d’État a des conditions et doit déboucher sur des résultats. Ce n’est pas une visite touristique. » C’est son chef de la diplomatie, Ahmed Attaf, qui enfoncera le clou dans un entretien à la chaîne qatarie Al Jazeera, le 28 décembre : « En toute sincérité, les conditions de cette visite ne sont pas idoines », concède-t-il.

Cinq dossiers qui bloquent

Le diplomate algérien précise que les discussions achoppent sur cinq grands (et lourds) dossiers. Il cite notamment celui des essais nucléaires et des indemnités réclamées pour les victimes algériennes, celui de la mémoire et celui de la mobilité. Ahmed Attaf souligne que les autorités françaises refusent de restituer le caftan et le sabre de l’émir Abdelkader, au motif que cette restitution est tributaire de l’adoption par le législateur français d’une loi cadre autorisant le retour à leurs pays d’origine de biens culturels spoliés. Faute de promulgation, les objets appartenant à l’émir Abdelkader devraient donc rester en France.

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Si le chef de la diplomatie algérienne n’a pas développé davantage sur le dossier de la mobilité, il va sans dire que celui-ci – un des plus complexes – a connu des avancées depuis la visite d’Emmanuel Macron en Algérie en août 2022. Le premier volet concerne la délivrance des visas aux ressortissants algériens : au cours de l’année 2023, la France en a délivré 209 723, contre 131 264 en 2022. Le second volet concerne la reconduite à la frontière des ressortissants algériens qui font l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Le manque de coopération des Algériens en matière de délivrance des laissez-passer consulaires indispensables pour ces reconduites est l’un des sujets qui grippent le plus les relations entre les deux pays.

Les chiffres fournis par le ministère français de l’Intérieur en matière d’expulsions des étrangers durant l’année 2023 indiquent toutefois que la coopération entre Algériens et Français est de retour. C’est ainsi que Beauvau indique que 2 562 Algériens ont été expulsés en 2023, soit une haute de 36 % « liée à la reprise de la coopération consulaire avec l’Algérie ».

Abdelmadjid Tebboune à Paris et à Amboise fin septembre ou début octobre 2024 ? Les relations entre Paris et Alger sont tellement fluctuantes qu’aucun diplomate ne parie sur une date précise, ou même sur le maintien de cette visite. Si celle-ci devrait effectivement avoir lieu, selon le nouveau calendrier avancé par l’Élysée, elle interviendrait en pleine campagne électorale pour la présidentielle de décembre 2024 en Algérie, au sujet de laquelle Abdelmadjid Tebboune ne s’est pas encore prononcé. Nul doute que le clan présidentiel ne manquerait pas de faire valoir les retombées positives de cette visite d’État en France dans le cas où le président sortant serait candidat à sa propre succession. Encore faut-il que cette visite ait lieu à l’automne prochain.

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