L’historien Achille Mbembe reçoit le prix Holberg 2024
L’historien et politologue camerounais a été désigné, ce 14 mars, lauréat du prix Holberg pour les arts et les lettres, les sciences humaines, le droit et la théologie. Il lui sera décerné le 6 juin prochain à l’Université de Bergen, en Norvège.
Il a toujours voulu que chacun de ses livres soit « comme un beau tableau, c’est-à-dire le plus achevé possible ». Professeur d’histoire et de sciences politiques à l’Université du Witwatersrand, à Johannesburg en Afrique du Sud, Achille Mbembe vient de remporter ce jour le prestigieux prix Holberg 2024 pour l’ensemble de son œuvre. Ce prix, institué par le Parlement norvégien en 2003 et d’un montant estimé à environ 550 000 euros, est remis annuellement à un chercheur de premier plan dans le domaine des lettres et sciences humaines, des sciences sociales, des sciences juridiques ou de la théologie. Ainsi, le lauréat doit avoir marqué d’une trace originale les recherches et débats internationaux dans l’un ou l’autre de ces champs du savoir. Pour Achille Mbembe, « cette récompense démontre que l’on peut vivre et travailler depuis l’Afrique et développer un discours qui se fait entendre dans le monde ».
Postcolonie, afropolitanisme, nécropolitique…
Reconnu mondialement pour ses travaux en histoire contemporaine, en études postcoloniales et en théorie politique, le politologue de 66 ans a notamment mis en évidence les rapports qui existent entre la problématique de la décolonisation et les questions pressantes du racisme, de la souveraineté, des frontières et des mobilités, de l’escalade technologique et du devenir de la Terre. Partant de l’expérience africaine, il est à l’origine d’importants concepts qui font, de nos jours, partie du vocabulaire académique global : postcolonie, afropolitanisme, nécropolitique, la communauté terrestre, etc.
Libre penseur, Achille Mbembe est l’intellectuel du continent africain le plus lu et cité. Traduits dans 16 langues, ses ouvrages font l’objet d’études et de commentaires dans plusieurs universités du monde. Mais difficile de savoir lesquels sont les plus unanimement appréciés : en Allemagne, ce sont Critique de la raison nègre et Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée ; au Brésil, outre ces ouvrages, c’est un texte intitulé Necropolitica, que son éditeur a transformé en livre ; l’Italie marque sa préférence pour Politiques de l’inimitié auquel elle a donné le titre Nanoracisme. Aux États-Unis, c’est De la postcolonie qui est le plus apprécié. Publié en 2023 aux éditions La Découverte, son dernier ouvrage, La Communauté terrestre, aussi, suscite beaucoup d’intérêt, tout comme la façon dont il relie certaines grandes cosmogonies africaines. Auteur prolixe, Mbembe a aussi produit des centaines d’articles, d’interviews, de conférences et d’interventions diffusés par les médias.
Il se pose également en acteur public, en effet, intervenant avec autorité dans maints débats de notre temps. Au cours des trois dernières années, il a consacré l’essentiel de ses activités à la mise en place de la Fondation de l’innovation pour la démocratie dont il est le directeur, essuyant de nombreuses critiques, dont celles de ses pairs. Sa réponse : « La fondation, c’est non pas la traduction institutionnelle de mes travaux, mais leurs points de vérification dans le réel. Avec cette fondation, je deviens un peu comme un forgeron et un tisserand. Je traite non plus seulement des choses de l’esprit, mais aussi des choses de la nuit. » Dans un rapport remis au président français Emmanuel Macron, en 2021, et portant sur les nouvelles relations entre l’Afrique et la France, il avait notamment préconisé la création, à Paris, d’une Maison des mondes africains. Achille Mbembe recevra le prix Holberg le 6 juin 2024 lors d’une cérémonie organisée à l’Université de Bergen.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Culture
- Algérie : Lotfi Double Kanon provoque à nouveau les autorités avec son clip « Ammi...
- Stevie Wonder, Idris Elba, Ludacris… Quand les stars retournent à leurs racines af...
- RDC : Fally Ipupa ou Ferre Gola, qui est le vrai roi de la rumba ?
- En RDC, les lampions du festival Amani éteints avant d’être allumés
- Bantous : la quête des origines