Qui est Alison Saar, l’artiste sélectionnée pour les JO ?

L’artiste africaine-américaine dévoilera, le 23 juin, la sculpture qui lui a été commandée par le CIO et par la Ville de Paris à l’occasion des prochains Jeux olympiques.

L’artiste africaine-américaine Alison Saar dévoilant sa statue de l’écrivaine Lorraine Hansberry, à Duffy Square (Times Square), à New York, le 9 juin 2022.

L’artiste africaine-américaine Alison Saar dévoilant sa statue de l’écrivaine Lorraine Hansberry, à Duffy Square (Times Square), à New York, le 9 juin 2022.

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 30 mars 2024 Lecture : 3 minutes.

Au croisement de St Nicholas Avenue et de Frederick Douglass Boulevard, à Harlem (New York), juchée sur un socle de granite, une femme déterminée semble s’avancer. Elle est Noire, sa jupe, qui se soulève à l’avant comme une protection de locomotive à vapeur, semble contenir des visages et des objets tandis que, dans son dos, des racines entrelacées la relient à une terre lointaine.

Cette femme en bronze, c’est Harriet Tubman (1820-1913), figure de proue du Chemin de fer clandestin (« Underground Railroad »), ancienne esclave devenue militante abolitionniste, féministe et antiraciste. La sculpture, intitulée Swing low : Harriet Tubman Memorial, a été érigée en 2008. Elle est l’œuvre de l’artiste Africaine-Américaine Alison Saar.

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Betye Saar, Richard Saar et Alison Saar

Si l’on en parle aujourd’hui, c’est parce que cette plasticienne, née en février 1956 à Los Angeles, a été choisie par le Comité international olympique (CIO) et par la Ville de Paris pour réaliser la sculpture des JO qui se dérouleront du 26 juillet au 11 août dans la capitale française, « une œuvre originale qui s’inspire du sport et des valeurs olympiques ».

À quoi ressemblera-t-elle ? Où sera-t-elle installée ? Mystère. Il faudra attendre son inauguration, le 23 juin, pour en savoir davantage. Mais si l’on considère la trajectoire de vie d’Alison Saar et la démarche qui la guide depuis des années, on se doute que cette œuvre aura un lien avec le corps féminin et avec le combat pour la liberté.

Alison Saar, Blonde Dreams, 2021. Bois gravé et sérigraphie, 30 exemplaires, 167,5 x 30,5 cm. © Alison Saar-Courtesy Galerie Lelong & Co.

Alison Saar, Blonde Dreams, 2021. Bois gravé et sérigraphie, 30 exemplaires, 167,5 x 30,5 cm. © Alison Saar-Courtesy Galerie Lelong & Co.

Bien que peu connue en France, Alison Saar n’est pas n’importe qui. Elle est, d’abord, la fille de l’Africaine-Américaine Betye Saar, 97 ans, figure du Black Art Movement, célèbre pour ses assemblages et ses autels symboliques qui rendent hommage aux Noires. Elle est, aussi, la fille de Richard Saar (1924-2004), céramiste et restaurateur d’art d’origine allemande.

Élevée dans le monde de l’art, Alison Saar y consacre ses études et obtient ses diplômes au Scripps College de Claremont, en 1978, et à l’Otis College of Art and Design de Los Angeles, en 1981. Son œuvre, aujourd’hui exposée dans les plus grands musées (MoMa, Indianapolis Museum of Art, Brooklyn Museum), explore surtout des thèmes qui ont un lien avec les diasporas africaines et avec leurs spiritualités.

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Poupées Topsy-Turvy

Avec différents matériaux (bois, bronze, objets trouvés, tissus…), Alison Saar met en scène le corps féminin dans une approche résolument politique. Les cheveux des Noires jouent un rôle particulier dans son travail. Ainsi, en 2018, à la galerie L.A. Louver, à l’exposition « Topsy-Turvy » – du nom de ces poupées, noires d’un côté et blanches de l’autre –, Saar avait présenté cinq superbes sculptures de fillettes armées de leurs outils d’esclaves, couteau à tabac, houe, crochet à balle. Leurs cheveux, dressés sur la tête, se terminaient en fleurs de coton.

lison Saar, Backwater Blues, 2014. Bois gravé, 30 exemplaires, 69,5 x 36,5 cm. © Alison Saar-Courtesy Galerie Lelong & Co.

lison Saar, Backwater Blues, 2014. Bois gravé, 30 exemplaires, 69,5 x 36,5 cm. © Alison Saar-Courtesy Galerie Lelong & Co.

Dans le Los Angeles Times, à l’époque, Leah Ollman écrivait : « Pour Saar, les cheveux sont l’une des parties du corps – en particulier du corps féminin noir – où [les dimensions] personnelle, politique et poétique convergent. La peau, souvent revêtue de fer blanc martelé, en est une autre. Tout comme les yeux. Ceux de la plupart des sculptures d’Alison Saar sont ouverts, mais ils semblent tournés vers l’intérieur, comme si les personnages protégeaient un pouvoir intime profond en ne dévoilant pas leur regard. »

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Ces phrases donnent une idée de ce à quoi pourrait ressembler la sculpture que Saar présentera aux JO de Paris. En 2022, la Galerie Lelong, à Paris, avait exposé certaines de ses gravures, estampes et sérigraphies remarquablement expressives. Elle en montrera d’autres à la foire Art Paris, au début d’avril 2024.

Jeux olympiques de Los Angeles 2028

Sélectionnée notamment parce qu’elle vient de Los Angeles, qui accueillera les Jeux de juillet 2028, Alison Saar espère que « cette œuvre d’art, cadeau pour les Parisiennes et les Parisiens, deviendra un lieu fédérateur et un symbole de l’esprit d’amitié et de l’interconnexion entre les cultures, au-delà des frontières ».

Pour mémoire, la première Noire médaillée olympique fut l’Américaine Audrey Patterson aux JO de Londres, le 6 août 1948. Elle remporta le bronze aux 200 m – suivie, le lendemain, par sa compatriote Alice Coachman, médaille d’or au saut en hauteur. La première Française noire médaillée aux JO fut Marie-José Pérec, sur 400 m, à Barcelone en 1992. Et la première Africaine, après les Sud-Africaines blanches Marjorie Clark, Esther Brand et Daphne Robb-Hasenjäger, fut la Marocaine Nawal el-Moutawakel, qui obtint l’or au 400 m haies à Los Angeles, en 1984.

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