Du Caire à Abou Simbel, laborieux ramadan
Chaleur, coupures d’eau et d’électricité, inflation, sont le lot quotidien des Égyptiens depuis quelques semaines. Une atmosphère qui rend le jeûne du ramadan encore plus difficile que d’ordinaire.
À l’heure du ramadan
Hausse de prix, craintes pour le pain, coupures d’eau et d’électricité à répétition… Le mois de ramadan se déroule en Egypte dans un climat de vif mécontentement face à la multiplication de difficultés qui s’ajoutent à la forte chaleur et au jeûne. Des manifestations de colère sont rapportées depuis plusieurs jours dans le pays. Ici en raison de coupures d’eau de plus en plus fréquentes. Là à cause de pannes d’électricité au moment de l‘iftar, le repas très attendu de rupture du jeûne, de plus en plus cher à préparer.
"Il n’y a pas de pain. Il n’y a pas d’eau. Il n’y a pas d’électricité. Mais il y a le président (Hosni Moubarak)", ironise le quotidien indépendant Al-Dostour. Un autre titre indépendant, Nahdet Misr, parle de "révolte des jerricans" dans plusieurs gouvernorats frappés par des pénuries d’eau.
Des riverains exaspérés ont arrêté le trafic mercredi avec des barrages sur une autoroute au sud du Caire, à la hauteur de l’oasis du Fayyoum, pour protester contre des coupures de courant. La police a dû intervenir.
Les températures de près de 40 degrés au Caire, davantage dans le sud du pays, et les longues journées de jeûne entre le lever et le coucher du soleil, rendent déjà ce mois sacré musulman de ramadan particulièrement rigoureux.
Les pics de consommation en soirée ne sont pas étrangers à la multiplication des coupures d’eau et d’électricité, mais la vétusté et le manque de capacité des réseaux sont aussi en cause.
"Tout a augmenté"
La hausse des prix alimentaires, pourtant habituelle en période de ramadan à cause des achats pour les dîners de fête, ne fait qu’aggraver la grogne. S’y ajoute l’inquiétude provoquée par l’arrêt des livraisons de blé par la Russie, frappée par une baisse de ses récoltes. La Russie fournit environ la moitié des achats à l’étranger de l’Egypte, premier importateur mondial de blé.
Un jeune homme de 24 ans, souffrant de déficience cardiaque, décédé en faisant la queue devant une boulangerie, a été présenté par la presse comme "la première victime des files d’attente pour le pain durant le ramadan".
Des hausses de prix du sucre, du riz, des céréales, des fruits et des légumes allant jusqu’à 30% selon les endroits, et davantage pour la viande, sont rapportées par la presse et les consommateurs. "Tout a augmenté : le pain, la viande, le poulet, le poisson, les pâtes. Les salaires sont restés les mêmes, les fonctionnaires doivent mendier pour finir le mois et il faut emprunter de l’argent aux amis et à la famille", se lamente Hekmat Mohamed, employé comptable au Caire.
"Il y a des files d’attente pour tout, que ce soit la viande ou le pain", déplore un chauffeur d’entreprise, Kamal Salem.
Déjà en juillet, à la veille du ramadan, le pays avait connu une poussée inflationniste de 2,3%, contre 0,7% en juin.
Éteindre lanternes et guirlandes
Le gouvernement, sous forte pression devant cette grogne tous azimuts, multiplie les déclarations apaisantes.
Le ministre de l’Industrie et du Commerce Rachid Mohamed Rachid a garanti que le pays avait dans ses silos de quoi assurer la production de pain subventionné pendant quatre mois. Il a assuré que l’embargo russe n’aurait "pas d’impact" sur ce pain, sans lequel des millions de personnes ne pourraient subsister, dans un pays où 40% de la population vit avec deux dollars ou moins par jour.
Le pouvoir promet aussi pêle-mêle de mieux contrôler les prix, d’augmenter les cultures de céréales, de construire des centrales électriques ou de réparer les canalisations. En attendant, les Egyptiens se voient conseiller, pour économiser l’électricité et éviter les coupures, d’éteindre les lanternes et guirlandes lumineuses dont ils ornent leurs foyers en période de ramadan.
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