Au Togo, Faure Essozimna Gnassingbé va-t-il inaugurer des chrysanthèmes ?
À Lomé, un projet de loi de révision constitutionnelle vient d’être adopté à une écrasante majorité. À quelques semaines d’élections législatives devant renouveler l’Assemblée nationale, il esquisse un régime parlementaire inédit.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 26 mars 2024 Lecture : 2 minutes.
Une adoption à bulletin secret, aux alentours de minuit, par des députés dont le mandat est arrivé à terme depuis des mois et qui représentent peu l’opposition : c’est dans une sorte de no man’s land démocratique que le Togo change de pied constitutionnel.
Alors que la presque totalité des opposants avait boycotté le dernier scrutin législatif, c’est un groupe de députés principalement issus du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR), qui a initié un changement de Constitution dont le projet a été adopté, à la quasi-unanimité, dans la nuit de lundi à mardi 26 mars. Le scrutin a dévoilé 89 voix « pour », une voix « contre » et une abstention.
Premier ravalement constitutionnel d’envergure depuis près de 30 ans, la modification va transformer le régime présidentiel togolais en régime parlementaire. Dans une sous-région qui apprécie plutôt les hommes forts, solitaires voire providentiels, le chef de l’État ne devrait conserver que des pouvoirs symboliques dans un but exclusif : garantir l’unité nationale et la continuité de l’État.
Un chef de l’État désinvesti ?
L’élection présidentielle disparaît. Le président de la République ne sera plus élu au suffrage universel, mais « sans débat » par le Parlement réuni en congrès. Son mandat unique sera de six ans.
Le devoir de gouverner sera confié à un président du conseil qui devrait être le chef du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Celui-ci mettra les mains dans le cambouis, chargé de conduire la politique de la nation et de nommer aux fonctions civiles et militaires. Il sera « tenu responsable, en conséquence ».
Par ailleurs, la nouvelle Constitution remplace la Cour suprême par une Cour de cassation et le médiateur de la République par un protecteur du citoyen. Enfin, la haute autorité de régulation de la communication va intégrer le secteur des plateformes en ligne et des réseaux sociaux.
Quelle réalité demain ?
Si l’on ne sait pas encore quand la Ve République sera effectivement promulguée, tout le monde a le regard braqué sur les élections législatives et régionales qui doivent se tenir le 20 avril, avec la participation de l’opposition.
Après 18 ans de pouvoir de Faure Essozimna Gnassingbé et près de 38 ans de présidence de son père, Eyadéma Gnassingbé, l’adoption de la nouvelle Constitution doit-elle être lue comme une promesse de dépersonnalisation politique ou une perspective de trompe-l’œil issu d’un jeu de bonneteau ?
L’avenir proche dira comment la société civile digérera ces nouveautés constitutionnelles, comment les législatives se dérouleront, quelle sera la réalité de la perte de pouvoir du chef de l’État et quelle sera la stratégie personnelle de Faure Essozimna Gnassingbé. Prendra-t-il sa retraite, restera-t-il à ce poste « amoindri » ou la réalité du pouvoir se déploiera-t-elle désormais en sous-main ?
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