Quand la Tunisie saisissait les instances de l’ONU
Quand la Tunisie saisissait les instances de l’ONU
Dès son accession à l’indépendance, en 1956, la Tunisie adhère à l’ONU. Attachée au multilatéralisme et au droit international, elle se tournera régulièrement vers les instances des Nations unies. Souvent avec succès.
Certains, qui se piquent d’avoir été proches de Habib Bourguiba, fondateur et premier président de la Tunisie moderne, rapportent qu’il était aussi un stratège qui ne négligeait aucun objectif, grand ou petit.
Ils illustrent leurs propos par des anecdotes, parmi lesquelles celle de la mosaïque dite des quatre saisons : « À un ami qui s’étonnait de l’immense mosaïque murale découverte à Haïdra [Nord] et qu’il avait offerte à l’Organisation des Nations unies, Bourguiba répondait avec un sourire malicieux que c’était volontaire : le seul endroit assez grand pour accueillir la mosaïque était le hall d’entrée du Palais de verre où elle ne passerait pas inaperçue ; ainsi tous la verraient et sauraient que la Tunisie existait et que c’était un grand pays pour avoir produit un tel chef-d’oeuvre. »
Mais ce don de la Tunisie n’est pas pour autant fortuit : il marquait la qualité des relations entre les Nations unies et Tunis, qui a souvent sollicité l’arbitrage onusien, que ce soit pour son accession à l’autonomie interne, ou, plus tard, pour protester contre les atteintes à son intégrité territoriale et à sa souveraineté.
Fils du siècle et avocat, Bourguiba croyait au droit et au principe de l’ONU, laquelle avait été créée en 1945, comme une rédemption après la guerre. Depuis, les conflits et les tragédies n’ont pas cessé, mais les Nations unies ont joué leur rôle pour préserver la paix.
Mhamed Chenik vs Henri Hoppenot
La Tunisie, qui a adhéré à l’ONU après son accession à l’indépendance, en 1956, avait eu recours à l’arbitrage onusien dès décembre 1951 – soit cinq années plus tôt – pour poser la question de son autonomie interne.
Sa demande, formulée par le Premier ministre tunisien de l’époque, Mhamed Chenik, au nom du royaume de Tunisie, demandait l’examen de différends avec la France, qui exerçait son protectorat.
Au prétexte que, selon les termes de l’accord de protectorat, la France était le représentant de la Tunisie pour ce qui concernait les affaires étrangères, le délégué de Paris auprès des Nations unies, Henri Hoppenot, qui assurait alors la présidence tournante du Conseil de sécurité, avait gelé la requête de M. Chenik à la demande du président français, Vincent Auriol. Celle-ci sera finalement examinée lorsque le Pakistan prendra la relève à la tête du Conseil.
Mongi Slim, un diplomate hors pair
Admise à l’ONU le 12 novembre 1956, la Tunisie a manifesté un attachement constant aux valeurs onusiennes, fondées sur l’égalité entre les États de manière à permettre à chacun de défendre son indépendance. Une manière également pour Tunis de sortir du tête-à-tête avec Paris, de se faire connaître et de s’affirmer, notamment à travers des initiatives au sein de divers organismes – dont la Cnuced, l’Onudi, l’Unesco et la FAO – et en fournissant un contingent de Casques bleus lors de l’intervention de l’ONU au Congo, et plus tard au Cambodge, tout en faisant partie du Comité des 24 pour la décolonisation.
La toute jeune Tunisie a su se faire apprécier par son adhésion aux fondamentaux onusiens. Mongi Slim, le représentant de sa délégation, fera étalage de toute sa maîtrise et de sa fine interprétation de la charte de l’ONU à l’occasion de l’attaque de Sakiet Sidi Youssef, puis de l’évacuation de Bizerte.
Son brio était tel qu’il obtiendra à chaque fois des résolutions favorables à son pays. Il sera même ovationné par l’Assemblée générale à l’issue d’un discours où il expose les arguments de la Tunisie pour mettre fin à l’occupation de Bizerte.
Ce diplomate hors pair sera élu président de l’Assemblée générale lors de sa 16e session, en 1961, et la Tunisie siégera à quatre reprises au Conseil de sécurité en tant que membre non permanent (1958, 1980, 2000 et 2020).
Mais ce n’est pas tant cette constance qui importe que les résultats que la Tunisie a obtenus. Si elle a été déboutée en 1951 sur la question de son autonomie interne en raison de la présence de la France au Conseil de sécurité et de son pouvoir de véto, les différentes requêtes qu’elle introduira par la suite en tant que pays indépendant ont toutes débouché sur l’adoption d’une résolution conforme à sa demande initiale, aussi bien sur Sakiet Sidi Youssef que sur Bizerte, puis pour les deux agressions commises par Israël sur son territoire : le raid sur Hammam Chott en 1985 et l’assassinat d’Abou Jihad en 1988.
La Tunisie se targue d’ailleurs d’être le seul pays à avoir obtenu l’adoption d’une résolution contre Israël. « Ce sont les seules fois où les États-Unis se sont abstenus », souligne l’ancien ambassadeur Ahmed Ounaies. La Tunisie avait à cette occasion également obtenu des réparations… qu’Israël n’a jamais versées.
Les épisodes de notre série :
Épisode 1 : 1951-1952 : Bourguiba, les Américains et le macaron de Fadhel Jammali
Épisode 2 : 1958 : l’affaire Sakiet Sidi Youssef devant l’ONU
Épisode 3 : 1961 : comment la Tunisie a arraché à la France l’évacuation de Bizerte
Épisode 4 : 1985 : le jour où la Tunisie a fait condamner Israël à l’ONU
Épisode 5 : 1988 : l’assassinat d’Abou Jihad devant le Conseil de sécurité
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Quand la Tunisie saisissait les instances de l’ONU
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