Génocide au Rwanda – Faustin Murangwa : « Les gacaca, indispensable justice de proximité »
Rwanda : témoins du génocide
Trente ans après, le génocide des Tutsi au Rwanda reste une plaie ouverte. Étienne Nsanzimana, Jean-François Dupaquier, Jean Hatzfeld, Faustin Murangwa, Louise Mushikiwabo… Suivez notre série de témoignages en vidéo.
Comment juger les génocidaires ? Au lendemain des massacres, dans un pays en plein chaos, comment faire œuvre de justice ? Identifier les coupables, recueillir les preuves, collecter les témoignages, mener les procédures… Dans les semaines qui ont suivi le génocide des Tutsi au Rwanda, le défi était d’autant plus grand que l’ampleur du crime était démesurée. Un million de personnes méthodiquement assassinées en l’espace de trois mois, au cours d’un génocide commis par le voisin, l’ami, le beau-fils… Devant l’incapacité de la justice classique à faire face, les Rwandais se sont tournés vers les gacaca, un terme qui signifie « herbe » en kynyarwanda.
Dans ces tribunaux communautaires, agoras de justice à l’échelle de la colline, du village, ou encore du quartier, plus d’un million de génocidaires présumés ont été jugés. Les planificateurs et initiateurs du génocide, les auteurs des massacres, et ceux qui, sans donner la mort, ont participé aux violences ou aux pillages des biens des victimes… Entre 2002 et 2012, ces quelques 12 000 tribunaux ont jugé quelque 1 million de personnes, dont environ la moitié ont été condamnées.
« Justice de proximité »
Dans le troisième épisode de notre série « Rwanda : témoins du génocide », l’avocat rwandais Faustin Murangwa nous explique les ressorts de ces tribunaux. « C’était une justice à laquelle la population faisait confiance, parce que c’était une justice de proximité », raconte-t-il. Une justice populaire, au premier sens du terme, qui a permis que « beaucoup de gens passent aux aveux », mais qui a aussi permis, en partie, la nécessaire catharsis, ainsi que de « désamorcer les tensions » dans un pays en cendres.
L’œuvre de ces gacaca a été d’autant plus importante qu’elle a permis de pallier les insuffisances de la justice internationale. Basé à Arusha, en Tanzanie, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), créé par le Conseil de sécurité de l’ONU en novembre 1994 et qui a officiellement cessé de fonctionner en décembre 2015, se focalisait en effet sur les architectes du génocide. Il a formellement inculpé un peu plus de 90 génocidaires, dont 60 ont été condamnés.
Quant aux justices des pays où les génocidaires en fuite ont trouvé refuge – en France, en Belgique ou encore aux États-Unis et au Canada – , elles ont également souvent montré leurs limites, comme le démontre l’infographie que nous publions sur ce sujet. « C’était difficile d’engager les États dans ce processus. La plupart des présumés génocidaires, une fois arrivés dans le pays d’accueil, changeaient de nom ou obtenaient la nationalité », rappelle Faustin Murangwa, qui souligne même que « certains pays ne voulaient pas procéder aux arrestations ou aux extraditions ».
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