Le Rwanda commémore le trentième anniversaire du génocide des Tutsi

Le Rwanda marque à partir de dimanche 7 avril le trentième anniversaire du génocide des Tutsi, l’extermination de 800 000 personnes en 100 jours que la France n’a « pas eu la volonté » d’arrêter alors qu’elle en avait la possibilité, selon Emmanuel Macron.

Le président rwandais Paul Kagame et sa femme Jeannette allument la flamme du souvenir au Mémorial de Gisozi, à Kigali, le 7 avril 2024. © LUIS TATO / AFP

Le président rwandais Paul Kagame et sa femme Jeannette allument la flamme du souvenir au Mémorial de Gisozi, à Kigali, le 7 avril 2024. © LUIS TATO / AFP

Publié le 7 avril 2024 Lecture : 4 minutes.

La communauté internationale « nous a tous laissés tomber » durant le génocide des Tutsi, a déclaré dimanche le président Paul Kagame, à l’occasion des commémorations du trentième anniversaire de ce qui deviendra le dernier génocide du XXe siècle, faisant 800 000 morts, très majoritairement des Tutsi, mais aussi des Hutu modérés.

La communauté internationale avait été vivement critiquée pour son inaction avant et durant le génocide. « C’est la communauté internationale qui nous a tous laissés tomber, que ce soit par mépris ou par lâcheté », a déclaré Paul Kagame lors d’un discours donné devant plusieurs milliers de personnes à la BK Arena, une salle polyvalente ultra-moderne de la capitale Kigali. Les Rwandais y organiseront plus tard une veillée aux chandelles.

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« Personne ne saurait se disculper de son inaction »

« Personne, personne, pas même l’Union africaine, ne saurait se disculper de son inaction face à la chronique d’un génocide annoncé. Ayons le courage de le reconnaître, et de l’assumer », a également affirmé le président de la commission de l’organisation, Moussa Faki Mahamat.

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Paul Kagame avait plus tôt dans la matinée allumé une flamme du souvenir au Mémorial de Gisozi. Peu de temps auparavant, aux côtés notamment du président congolais Denis Sassou-Nguesso et du chef de l’État sud-africain Cyril Ramaphosa, il s’était recueilli devant une gerbe de fleurs, en hommage aux victimes des massacres. L’ancien président américain Bill Clinton, en poste à la Maison Blanche durant le génocide, ainsi que le ministre français des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, assistaient également à la cérémonie.

« La France assume tout »

À l’occasion de cet anniversaire, le président français Emmanuel Macron a affirmé dans une vidéo diffusée dimanche que « la France assume tout et exactement cela dans les termes que j’ai employés » le 27 mai 2021. Ce jour-là, en déplacement à Kigali, il avait alors dit être venu « reconnaître » les « responsabilités » de la France.

Paris, qui entretenait des relations étroites avec le régime hutu quand le génocide a commencé, a longtemps été accusé de « complicité » par Kigali. « Nous avons, tous, abandonné des centaines de milliers de victimes à cet infernal huis clos », avait-il ajouté, précisant que Paris n’avait « pas été complice » des génocidaires hutu. Emmanuel Macron n’avait pas présenté d’excuses, tout en disant espérer le pardon des rescapés.

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« Je n’ai aucun mot à ajouter, aucun mot à retrancher de ce que je vous ai dit ce jour-là », a déclaré dimanche le président français. Jeudi, l’Élysée avait rapporté que, selon Emmanuel Macron, la France « aurait pu arrêter le génocide » de 1994 au Rwanda « avec ses alliés occidentaux et africains », mais « n’en a pas eu la volonté ». Des mots interprétés alors comme un pas supplémentaire dans la reconnaissance des responsabilités de la France dans le génocide, mais que le chef de l’État n’a pas prononcés dimanche.

Après des décennies de tensions, allant jusqu’à une rupture des relations diplomatiques entre Paris et Kigali entre 2006 et 2009, un rapprochement a été permis entre les deux pays à l’issue de la mise en place d’une commission par Emmanuel Macron qui a conclu en 2021 à des « responsabilités lourdes et accablantes » de la France.

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Les tueries du printemps 1994 ont été déclenchées au lendemain de l’attentat contre l’avion du président hutu Juvénal Habyarimana, dans une frénésie de haine alimentée par une virulente propagande anti-Tutsi. Trois mois durant, l’armée, les milices Interahamwe (bras armé du régime génocidaire hutu), mais aussi de simples citoyens massacreront – avec fusils, machettes ou gourdins – les Tutsi, appelés « Inyenzi » (« cafards » en langue kinyarwanda), et des opposants hutu.

Le carnage prend fin lorsque la rébellion tutsi du FPR s’empare de Kigali le 4 juillet, déclenchant un exode de centaines de milliers de Hutu vers le Zaïre voisin, aujourd’hui République démocratique du Congo. Trente ans plus tard, des charniers continuent d’être mis au jour.

Appels à l’accélération des poursuites judiciaires

Depuis 30 ans, le Rwanda mène un travail de réconciliation, avec notamment la création en 2002 de tribunaux communautaires, les « gacaca » où les victimes pouvaient entendre les « aveux » des bourreaux.

La justice a également joué un rôle majeur mais selon Kigali, des centaines de personnes suspectées d’avoir participé au génocide sont toujours en liberté, notamment dans les pays voisins, comme la RDC et l’Ouganda. Au total, 28 fugitifs ont été extradés depuis des pays étrangers, dont six depuis les États-Unis. La France n’en a extradé aucun mais en a condamné une demi-douzaine.

J’exhorte les États du monde entier à redoubler d’efforts pour traduire en justice tous les auteurs présumés encore en vie.

Volker TürkHaut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme

Des organisations de défense des droits humains, dont Amnesty et Human Rights Watch, ont appelé à l’accélération des poursuites contre les responsables du génocide.

« J’exhorte les États du monde entier à redoubler d’efforts pour traduire en justice tous les auteurs présumés encore en vie – y compris par le biais de la compétence universelle – et à lutter contre les discours de haine et l’incitation à commettre le génocide », a exhorté de son côté le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk.

(Avec AFP)

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