Philippe de Moerloose, un « fonceur » belge du Congo
En vingt-deux ans, Philippe de Moerloose a bâti l’un des plus importants groupes de distribution de véhicules et de machines d’Afrique subsaharienne. Un succès qui ne lui a pas valu que des amis.
Difficile de rencontrer le discret Philippe de Moerloose. Le fondateur de la Société de distribution africaine (SDA) sillonne sans cesse les 27 pays du continent où son groupe est présent. Travailleur acharné, exigeant, l’homme est un coureur de fond. À 46 ans, il prépare d’ailleurs le marathon de New York.
Lorsque nous le rencontrons au siège de SDA, à Wavre, dans la banlieue sud de Bruxelles, le Belge du Katanga rentre de voyage. Pas d’Afrique centrale, où il a grandi, mais de Casablanca. Il y a participé au conseil d’administration de Tractafric Motors, numéro deux de la distribution automobile en Afrique subsaharienne (derrière le franco-japonais CFAO).
En 2012, SDA a réalisé un chiffre d’affaires de 460 millions d’euros.
Depuis sa création, en 2011, – grâce à la fusion entre Demimpex (qui lui appartenait) et Tractafric, filiale de la Société nationale d’investissement (SNI) du Maroc -, SDA détient 40 % des parts de Tractafric Motors. Au Maroc, le patron a également inauguré son nouveau réseau de distribution de biens d’équipement John Deere et Hitachi. « Nos perspectives de développement en Afrique du Nord sont très prometteuses. Les volumes de distribution y sont bien plus importants qu’au sud du Sahara », assure-t-il.
Pour SDA, 2013 est une année de transition. « Notre chiffre d’affaires dans la distribution devrait être similaire à celui réalisé en 2012 [460 millions d’euros, avec 27 millions d’euros de marge brute]. Ces derniers mois, nous avons professionnalisé toutes nos filières de distribution – d’automobiles, de camions, d’engins de chantier ou agricoles – en plaçant à la tête de chaque pôle une équipe de spécialistes, souvent recrutés au sein de la concurrence. Et en mettant l’accent sur la qualité de service. Dès l’année prochaine, nous viserons une croissance de 15 % par an », prévient Philippe de Moerloose.
info" title="Cliquez sur l'image." class="caption" style="margin: 3px; border: 0px solid #000000; float: left;" />Une expansion rapide, que le patron a déjà connue depuis la création en 1991 – il avait alors 24 ans – de Demimpex, l’embryon de son groupe. Fils d’un comptable de la société textile Solbena, à Lubumbashi, il aime rappeler qu’il n’est pas né dans un milieu aisé. « J’ai commencé avec un capital de 2 500 euros, à la fin de mes études à l’Institut catholique des hautes études commerciales (Ichec), à Bruxelles. D’abord en lançant un réseau d’approvisionnement de pièces détachées en RD Congo, puis en exportant des véhicules complets », se souvient-il. Ensuite, l’entrepreneur a su saisir sa chance. En 1995, il a ainsi racheté le distributeur VRP à la famille belge Theumis, lorsque le pays traversait des temps difficiles. « On a redynamisé la société et étendu nos activités. D’abord en Centrafrique, au Rwanda et au Burundi – où ma connaissance du swahili a été utile -, puis en Afrique de l’Ouest et en Mauritanie », explique-t-il.
Jouant de cette double culture européenne et africaine, Philippe de Moerloose a pu nouer des liens avec des marques de référence, en obtenant leurs « cartes » (le droit de les représenter) pour certains États africains : Mercedes, Volkswagen et Nissan pour l’automobile, John Deere pour les machines agricoles, Hitachi et Volvo pour les camions et engins miniers.
Par ailleurs, afin de consolider son groupe de quelque 3 700 salariés, le dirigeant a engagé Michaël Delvaux, son camarade à l’Ichec. Issu de la banque d’affaires Paribas, ce dernier gère depuis treize ans les finances et les ressources humaines de SDA. Les deux hommes forment un tandem solide : « Je suis un fonceur, je me décide rapidement. La force de notre groupe est sa réactivité. Je suis bien épaulé par Michaël et ses équipes, qui valident les idées et structurent les projets », résume Moerloose.
Talon d’achille
Même s’il ne jure plus que par la distribution – son « cœur de métier » -, le Belge détient plusieurs actifs industriels et touristiques non négligeables en RD Congo, rassemblés sous le holding CDA (environ 200 millions d’euros de chiffre d’affaires). Parmi eux : la Grande Cimenterie du Katanga, dont il détient 62,5 %, le Grand Hôtel de Kinshasa et le Grand Karavia de Lubumbashi (50 % chacun). Il possède en outre 100 % de la compagnie de fret aérien Demavia (10 millions d’euros de chiffre d’affaires).
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Le chef d’entreprise se montre moins disert sur l’avenir de cette section de son groupe : « Nous n’avons pas encore de stratégie bien définie pour CDA. Nous cherchons à confier la gestion des hôtels à un partenaire. Mais un désinvestissement est exclu », assure-t-il. Via ce holding, Philippe de Moerloose conserve une présence importante en RD Congo, alors que le pays ne représente plus que 10 % du chiffre d’affaires de SDA. Même s’il note le caractère prometteur des secteurs énergétique et agroalimentaire en RD Congo, le Belge ne compte pas s’y risquer. « Nous n’allons pas nous disperser. Nous sommes d’abord un groupe de distribution. »
Bien que la RD Congo soit à la source de son parcours, elle constitue aussi le talon d’Achille de Philippe de Moerloose. Sa rapide ascension ne lui a pas valu que des amis. À Kinshasa, Lubumbashi et dans les milieux belgo-congolais, l’homme ne fait pas l’unanimité. Critiqué pour sa proximité supposée avec Joseph Kabila – ce qui expliquerait la croissance de son groupe -, il s’en défend fermement : « Je suis un acteur économique important du pays, il est normal que le président me reçoive, au même titre que d’autres entrepreneurs. Mais je n’entretiens pas de relation amicale avec lui. Si nous gagnons certains marchés, c’est parce que nous sommes les moins-disants sur les appels d’offres. »
À l’avenir, Moerloose se rendra en RD Congo pour affaires autant que pour raisons personnelles. « Je suis attaché au Katanga, mon frère [Patrick] y est installé comme distributeur de mon groupe. » Mais il n’envisage pas de revenir en famille vivre à Kinshasa ou à Lubumbashi. « J’apprécie la diversité géographique de mon entreprise, entre Europe et Afrique. Il faut faire preuve de créativité, je me sens à ma place dans cet entre-deux », conclut-il.
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