Il y a quelques semaines encore, les adversaires du ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, pariaient sur son limogeage. Le président Abdelmadjid Tebboune, en effet, avait été clair, donnant des directives strictes pour que les denrées alimentaires soient disponibles en quantités suffisantes et à des prix raisonnables durant le mois de ramadan.

De nombreuses mesures ont été prises, mais la banane, considérée comme un baromètre de la hausse des prix, a tout de même grimpé de 300 dinars à 500 dinars le kilo au début d’avril. Malgré ce revers, Tayeb Zitouni est toujours là.

À la fin de novembre 2023, le ministre de l’Agriculture, Abdelhafid Heni, n’avait pas eu cette chance, perdant son poste à la suite d’un échange maladroit, en marge de la séance plénière du Parlement, avec un journaliste qui l’interrogeait sur les raisons de la hausse du prix de la pomme de terre. Le ministre avait commencé par démentir la réalité de cet enchérissement puis, son interlocuteur insistant, avait fini par lâcher : « Si vous achetez la pomme de terre à 100 dinars le kilo, alors changez de quartier. »

Le DG de Magros démis de ses fonctions

Tayeb Zitouni, lui, n’est apparemment pas le genre de responsable à glisser sur une peau de banane. Il gère la crise en multipliant les inspections sur le terrain, et surtout sans perdre son calme.

Selon lui, les autorités s’efforçaient de faire baisser davantage le prix du fruit, très populaire, « lorsque des parasites sont entrés en scène ». Sa solution : inonder le marché de bananes et sévir contre les « spéculateurs ».

Les sanctions annoncées pourraient inclure le retrait de l’autorisation d’importation et l’application des dispositions de la loi de lutte contre la spéculation, qui prévoit de lourdes peines de prison.

Simultanément, Tayeb Zitouni a démis de ses fonctions le directeur général de la société de réalisation et gestion des marchés de gros (Magros), considéré comme indirectement responsable de la hausse du prix de la banane.

De la mairie d’Alger à la Safex

Mais s’il est sorti indemne de cette séquence délicate, c’est aussi parce que le ministre du Commerce cumule une longue expérience dans le monde politique et sait en déjouer les intrigues.

En 1992, il occupait le poste de maire adjoint à la Délégation exécutive communale (DEC) de Oued Koriche, à Alger. Ces DEC avaient été créées par décret présidentiel pour remplacer les assemblées communales après l’annulation du second tour du scrutin législatif de juin 1990. Au cours de ce mandat, Tayeb Zitouni avait d’ailleurs échappé à un attentat terroriste, dont il garde aujourd’hui encore des séquelles.

Maire d’Alger de 1997 à 2012, il devient ensuite directeur de la Société algérienne des foires et exportations (Safex) en 2015. Membre du Rassemblement national démocratique (RND), l’un des partis composant l’Alliance présidentielle lors du règne de Bouteflika, Tayeb Zitouni était entré en dissidence contre la direction du mouvement dès 2012, contestant la gestion d’Ahmed Ouyahia, qui finit par l’exclure du RND en 2016.

Refonder le RND après la chute d’Ahmed Ouyahia

En 2017, Ahmed Ouyahia devient Premier ministre. Mais son ascension est brisée en 2019 lorsqu’il est poussé à la démission, puis incarcéré. Tayeb Zitouni, lui, fait son retour au RND, dont il est élu secrétaire général lors du congrès extraordinaire de mai 2020, succédant à Azzeddine Mihoubi, qui assurait l’intérim.

Âgé alors de 54 alors, il a la lourde charge de refonder un parti discrédité par ses liens avec l’ancien régime, sur fond de revanche personnelle avec son ennemi juré, condamné à 15 ans de prison dans diverses affaires de corruption.

Quatre ans plus tard, Tayeb Zitouni n’est plus à la tête du RND, qu’il a quitté peu après sa nomination au gouvernement, en mars 2023.