Adama Bictogo : « Alassane Ouattara est notre candidat naturel »

Présidentielle de 2025, arrivée de Tidjane Thiam à la tête du PDCI, opérations de déguerpissement à Yopougon… Le président de l’Assemblée nationale ivoirienne répond aux questions de Jeune Afrique.

Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, à Abidjan, le 2 juin 2023. © Issouf SANOGO pour JA

Adama Bictogo, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, à Abidjan, le 2 juin 2023. © Issouf SANOGO pour JA

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Publié le 16 avril 2024 Lecture : 7 minutes.

Le pont Alassane-Ouattara reliant les communes du Plateau et de Cocody à Abidjan, en Côte d’Ivoire, photographié le 18 février 2024. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA.
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Côte d’Ivoire : une nouvelle donne

Six mois après la nomination du gouvernement Beugré Mambé et à dix-huit mois de la présidentielle, pour tous les partis, c’est l’heure des comptes et de la pré-campagne. Ont-ils tiré les leçons des élections locales de septembre 2023 ? Alassane Ouattara va-t-il se présenter ou va-t-il désigner un dauphin ? La candidature de Tidjane Thiam peut-elle rebattre les cartes ? Le parti de Laurent Gbagbo, qui reste inéligible, peut-il remobiliser ses militants et les électeurs ? De l’hypothèse d’un quatrième mandat d’ADO à l’éventuel retour de Guillaume Soro, voyage à travers un paysage politique et un pays en pleine mutation.

Sommaire

Il rentre tout juste de La Mecque. Fin mars, il était à Genève pour participer à l’Assemblée de l’Union interparlementaire (UIP), en tant que président de l’Assemblée nationale ivoirienne. Adama Bictogo est un homme très occupé. En février, il s’était illustré, dans son pays, en déplorant les opérations de déguerpissement menées, sans information préalable, dans la commune abidjanaise de Yopougon, dont il a été élu maire en septembre 2023.

Loyal à l’égard d’Alassane Ouattara depuis un quart de siècle, ancien secrétaire exécutif du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti présidentiel, Adama Bictogo, 61 ans, revient sur l’actualité ivoirienne et la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire.

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Jeune Afrique : Vous avez été élu en septembre dernier maire de la commune abidjanaise de Yopougon, où les services du district autonome d’Abidjan ont mené des opérations de déguerpissement – dont vous n’aviez pas été informé au préalable. Vous vous êtes ému des conditions dans lesquelles elles ont été réalisées. Quelle est la situation aujourd’hui ? Ces opérations vont-elles se poursuivre ?

Adama Bictogo : Je tiens d’abord à dire que nous adhérons tous à la vision du gouvernement, qui entend renforcer la modernisation du district d’Abidjan, en prenant en compte les zones à risque afin d’éviter de nouveaux drames pendant les pluies diluviennes.

Mais ce qui me paraît aussi essentiel, c’est la sensibilisation et l’information des populations avant toute opération de ce type. Nous avions souhaité la mise en place d’un comité bipartite avec le district afin d’élaborer en amont la cartographie des quartiers concernés au sein de la commune et de réaliser ce travail de sensibilisation. Cela n’a pas été le cas. Naturellement, les populations, non informées, ont été surprises, et cela a provoqué une vive émotion.

Le gouvernement a aussitôt pris la mesure du désarroi des familles, sans domicile du jour au lendemain. Le président de la République a demandé au Premier ministre, Robert Beugré Mambé, de prendre des dispositions. Ainsi, 1 290 familles ont pu bénéficier d’indemnités pour se reloger temporairement. Pour les propriétaires, un site de recasement a été identifié. Et une « cellule d’aménagement des quartiers précaires » a été mise sur pied sous l’égide du Premier ministre afin de programmer les prochaines opérations. Rien ne se fera désormais sans concertation préalable avec les élus locaux. Cette concertation permanente entre nous s’impose, pour le bien-être de nos populations.

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Il vous a été reproché au sein de votre famille politique, le RHDP, d’avoir publiquement contesté la méthode du district, désormais dirigé par Ibrahim Cissé Bacongo

À aucun moment on ne m’a reproché d’avoir mené une politique de proximité avec mes administrés. Il était évident et important, en tant que premier magistrat de la commune de Yopougon, que je me tienne à leurs côtés.

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Cela étant, le ministre-gouverneur et moi-même sommes issus du même camp politique et il était bon que nous ayons une concertation. C’est ce que souhaitaient toutes les instances du parti. Assurément, il n’y a ni conflit de compétence ni guerre de leadership entre nous. Il appartient tout simplement à chacun de s’approprier les textes en ayant à l’esprit que l’humain prime avant tout, conformément à la vision du président Alassane Ouattara.

Comment comptez-vous financer tous les chantiers indispensables à la commune ? Quelles sont vos priorités ?

L’amélioration du cadre de vie et de l’environnement figure parmi mes priorités. Nous devons revenir aux fondamentaux pour moderniser et rééquiper la commune. Avec une superficie de plus de 160 km2 et une population de 1,6 million d’habitants, Yopougon est aujourd’hui la plus grande zone résidentielle d’Abidjan. Plus qu’une commune, c’est une ville à part entière. Malheureusement, les services urbains de base, tels que l’électricité et l’eau potable, n’ont pas suivi. Nous allons renforcer la cartographie sanitaire en démarrant d’ici à la fin du mois de mai les travaux de construction de six nouveaux centres de santé.

Pour une meilleure mobilité, il faut aussi des routes et des voies réhabilitées. Selon notre cartographie des infrastructures routières, Yopougon a besoin de 38 km de bitume. Notre plan, chiffré à environ 25 milliards de F CFA [plus de 38 millions d’euros], sera entièrement financé par l’État avec lequel nous négocierons un remboursement échelonné sur sept ans. De plus, en accord avec les transporteurs et une société promotrice, nous lancerons bientôt les travaux de la première gare ultramoderne, dotée de toutes les commodités. Nous comptons également construire le futur palais de la culture de Yopougon. Ces deux grands projets d’infrastructure seront financés grâce à un partenariat public privé́ communal dans le cadre d’un BOT (Build, Operate, Transfer).

Enfin, l’insécurité demeure une préoccupation de tout instant. Pour moi, le maintien de l’ordre et la sécurité publique sont des sujets essentiels, pour lesquels il est primordial d’établir un lien solide entre les acteurs de la sécurité. Ainsi, à Yopougon, la police municipale, que j’envisage de reformer avec la nomination d’un nouveau chef, collabore étroitement avec les forces de sécurité nationales, à savoir la police, la gendarmerie, les sapeurs-pompiers, la sécurité civile. Je vous donne rendez-vous en septembre 2024 pour un premier bilan de mon action à Yopougon.

Dans dix-huit mois, c’est la présidentielle. Alassane Ouattara n’a pas encore fait part de ses intentions. Souhaitez-vous qu’il se présente ?

Je considère que le bilan du président de la République plaide en sa faveur au regard du travail accompli, du niveau de développement atteint par la Côte d’Ivoire. Quand on regarde le budget de l’État depuis sa prise de fonctions, en 2011, il a presque triplé.

D’un point de vue constitutionnel, il a le droit d’être candidat en 2025 et, en tant que président en exercice, il demeure le candidat naturel du parti. Mais, comme vous le savez, l’acte de candidature obéit à une décision personnelle. C’est donc à lui de la prendre. Mais pour le président de l’Assemblée nationale et membre du RHDP que je suis, en l’état, il est notre candidat naturel.

S’il ne devait pas y aller, pourriez-vous faire acte de candidature ?

La question n’est pas à l’ordre du jour. Nous ne pouvons pas nous projeter tant que le chef de l’État ne s’est pas prononcé. Je continue à mener à bien ma mission en tant que président de l’Assemblée, conformément à ma feuille de route.

Je suis à l’écoute du président. J’ai toujours répondu présent à son appel et à toutes les missions qu’il m’a confiées. Il lui reviendra d’indiquer le cap. Je ne doute pas qu’il désignera le candidat du RHDP en tenant compte des attentes des populations et des réalités sur le terrain. Quoi qu’il en soit, nous devrons être unis afin d’éviter de tomber dans le piège de la division systématique, qui ferait le jeu de nos adversaires.

Laurent Gbagbo est inéligible en raison de sa condamnation en 2018. Selon vous, doit-il pouvoir être candidat et obtenir sa réinscription sur les listes électorales ?

Il ne m’appartient pas de décerner un brevet d’éligibilité à l’ancien président Laurent Gbagbo. Vous évoquez une condamnation, cette question relève de la justice.

Début avril, Alassane Ouattara et Guillaume Soro se sont parlé au téléphone. Une première depuis plus de cinq ans. Êtes-vous favorable au retour en Côte d’Ivoire de l’ex-président de l’Assemblée nationale ?

Si le chef de l’État et l’ancien président de l’Assemblée ont eu à échanger au téléphone, cela ne peut que bénéficier au renforcement de la cohésion sociale. Naturellement, j’y suis favorable. En homme de consensus, je crois au grand rassemblement. Le projet de société du président s’articule autour de la Côte d’Ivoire solidaire, qui prend en compte toutes les filles et tous les fils du pays, où qu’ils se trouvent.

Que Guillaume Soro rentre en Côte d’Ivoire, je n’y vois aucun inconvénient. Le tout est de se conformer aux règles qui régissent le fonctionnement de la République.

L’élection de Tidjane Thiam à la tête du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et sa probable candidature à la présidentielle sont-elles une source d’inquiétude pour le RHDP ?

Notre parti, avec à sa tête le président de la République, n’a jamais été inquiété par qui que ce soit. Quel que soit l’adversaire, nous avons toujours répondu présent à toutes les compétitions. Depuis une quinzaine d’années, notre parti a remporté toutes les élections locales, législatives et présidentielles. Et nous disposons au sein de notre formation d’hommes politiques de très haut niveau.

Ceci étant, je ne suis pas de ceux qui banalisent ou minimisent l’adversaire. Une compétition est une compétition. J’ai du respect pour Tidjane Thiam, que je connais, dont je connais la famille. C’est un frère. Sur le plan politique, je ne porterai pas de jugement non plus, car il appartient à un parti que je respecte, qui a plus de soixante-quinze ans d’existence et au sein duquel on trouve des personnes compétentes. D’ailleurs, nous sommes tous de la même grande famille des houphouëtistes.

Seriez-vous favorable à ce que cette famille se réunisse à nouveau au sein d’une même formation ? 

Une alliance ne peut être possible qu’entre personnalités politiques partageant la même vision pour le pays et la même idéologie. J’estime par ailleurs qu’il est bon que les Ivoiriens aient la possibilité de choisir entre différents programmes politiques, entre ceux qui se considèrent comme de gauche et ceux, comme nous, qui se considèrent comme des libéraux. C’est ma vision. Cela étant, je pense que nous pouvons garder de bonnes relations.

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