Les médias maliens interdits de couvrir les partis politiques
Après la suspension des activités des partis politiques, la junte d’Assimi Goïta a interdit aux radios, télévisions et autres journaux de publier des informations à leur sujet.
La junte au pouvoir au Mali continue de sévir contre toute forme de contradiction en interdisant aux médias de couvrir les partis politiques, dont ils viennent de suspendre les activités. Le 10 avril, les colonels avaient décrété la suspension « jusqu’à nouvel ordre » des activités des partis et des associations à caractère politique, coupables selon eux de « subversion ». Ce nouveau tour de vis a suscité de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux, mais encore peu de réactions de partis ou de personnalités de premier plan, déjà condamnées au silence dans une large mesure.
L’éphémère ancien Premier ministre Moussa Mara (2014-2015) a demandé aux autorités de revenir sur leur décision, un « recul majeur » qui « n’augure pas de lendemains apaisés ». Le président du parti Convergence pour le développement du Mali (Codem), Housseini Amion Guindo, a appelé à la « désobéissance civile jusqu’à la chute du régime illégal et illégitime (…) en raison notamment de son incapacité à satisfaire les besoins essentiels des Maliens ».
Les partis accusés de multiplier « les actes de subversion »
La Haute autorité de la communication (HAC) a néanmoins emboîté le pas du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, signataire du décret visant les partis. La HAC « invite tous les médias (radios, télés, journaux écrits et en ligne) à arrêter toute diffusion et publication des activités des partis politiques et des activités à caractère politique des associations », explique-t-elle dans un communiqué, sans préciser à quoi s’exposeraient les médias qui contreviendraient.
Ce nouveau tour de vis survient alors que les militaires viennent de manquer à leur engagement, pris sous la pression de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de céder d’ici au 26 mars 2024 à des civils élus la direction de ce pays confronté au jihadisme et plongé dans une profonde crise multidimensionnelle depuis 2012.
La junte accuse les partis de multiplier « les actions de subversion ». Quand le chef de la junte a lancé le 31 décembre un dialogue national pour la paix ou quand le jalon du 26 mars a été franchi sans que les militaires ne partent, les partis se sont livrés à des « discussions stériles », a dit le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga. Par ailleurs, la poursuite de la lutte contre les groupes armés jihadistes et indépendantistes touareg ne s’accommode pas de « débats politiques stériles », a-t-il dit.
Les militaires doivent « retourner dans les casernes »
L’opposition est réduite à l’impuissance depuis août 2020 par les mesures coercitives, les mises en cause judiciaires, les dissolutions d’organisations, les restrictions à la liberté de la presse et la pression du discours dominant sur la nécessité de faire corps autour de la junte face à une multitude de défis. Plusieurs partis et organisations de la société civile se sont cependant émus dans une rare déclaration commune le 31 mars du « vide juridique et institutionnel » laissé selon eux par le non-respect de l’échéance du 26 mars et ont réclamé des militaires une « concertation rapide et inclusive » pour la tenue de la présidentielle « dans les meilleurs délais ».
Un collectif d’organisations de défense des droits humains a estimé le même jour que le Mali se trouvait « dans une impasse » et qu’il était temps pour les militaires « de retourner dans les casernes ». Depuis sa prise du pouvoir consolidée par un second putsch en mai 2021, la junte a multiplié les actes de rupture. Elle a rompu l’alliance ancienne avec la France et ses partenaires européens pour se tourner militairement et politiquement vers la Russie. Elle a poussé vers la sortie la Minusma. Elle a dénoncé l’accord signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord, considéré comme essentiel pour stabiliser le pays.
(Avec AFP)
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