La désignation d’un musulman du Nord à la vice-présidence ravive les tensions religieuses

La nomination de Namadi Sambo, le gouverneur musulman de l’État de Kadina (Nord), au poste de vice-président du Nigeria, inquiète dans le nord du pays. Certains y voient un « complot chrétien » ourdi par l’ancien président Olusegun Obasanjo.

Goodluck Jonathan lors de son investiture, le 6 mai 2010 à Abuja. © AFP

Goodluck Jonathan lors de son investiture, le 6 mai 2010 à Abuja. © AFP

Publié le 18 mai 2010 Lecture : 2 minutes.

Mise à jour le mardi 18 mai 2010 à 15 h 40

Namadi Sambo, le gouverneur musulman de l’État de Kadina (Nord), avait été pressenti la semaine dernière par Goodluck Jonathan, à la surprise générale. À Kaduna, la capitale éponyme de l’État, certains cercles voient dans ce choix une façon détournée de transférer le pouvoir régional à la minorité chrétienne car si le gouverneur devient vice-président, son second, le chrétien Patrick Yakowa, deviendra automatiquement gouverneur de l’État. Il n’en a pas fallu plus à certains au Nord pour voir la main de l’ancien président Olusegun Obasanjo dans l’affaire.

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Alternance du pouvoir

Président de 1999 à 2007, le chrétien et Sudiste Obasanjo a dernièrement remis en cause un accord tacite qui remonte à 1999 et selon lequel le pouvoir suprême doit alterner tous les huit ans entre chrétiens et musulmans.

Comme le parlement lui avait barré la route d’un troisième mandat consécutif, la Constitution en limitant le nombre à deux, l’ancien général avait choisi l’obscur gouverneur de l’État musulman de Katsina, Umaru Yar’Adua, pour lui succéder en avril 2007 après une élection qui fut une simple formalité. Tout le monde s’était interrogé sur ce choix, d’autant que la santé très fragile du gouverneur n’était un secret pour personne, notamment pour Obasanjo, un intime de la famille.

De là à penser qu’il l’avait désigné en étant certain qu’il ne terminerait pas son mandat (il est décédé il y a deux semaines après presque six mois d’absence) pour mieux rebondir, certains au Nord n’hésitent pas à franchir le pas, même si l’ancien président s’en défend.

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SMS dénonciateurs

Depuis une semaine, des groupes musulmans de Kaduna envoient des SMS pour dénoncer le choix du gouverneur comme une tentative de le remplacer par un chrétien à la tête de l’État "par la petite porte". Ces messages appellent les musulmans à se mobiliser et manifester à Kaduna, une ville coutumière des violences inter religieuses : des affrontements entre les deux communautés en 2000 et 2004 avaient fait plus de 5 000 morts. Depuis lors les deux communautés vivent séparément, la majorité musulmane (environ 60%) au Nord, les chrétiens au Sud.

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« On craint beaucoup ce qui pourrait se passer », dit à l’AFP Shehu Sani, un militant des droits de l’homme basé à Kaduna, la « capitale politique » du Nord où le pouvoir colonial britannique avait établi son gouvernement régional.

Selon un conseiller du gouverneur, les remous et rumeurs actuels sont le fait de politiciens nordistes déçus de ne pas avoir été « nominés ».  « La désignation du gouverneur les gêne et c’est pourquoi ils agitent la question religieuse », affirme Husseini Jallo, le conseiller politique de Namadi Sambo.

Grille de lecture religieuse

La tension à Kaduna a poussé le Sultan de Sokoto, Muhammad Saad Abubakar, la plus haute autorité spirituelle des quelque 75 millions de musulmans nigérians, à réagir pour éviter de possibles troubles. Pour le Sultan, qui s’exprimait durant le week-end lors d’un rassemblement islamique, le Nigeria multi-confessionnel peut être dirigé par un chrétien ou un musulman sans que cela n’empêche « la communauté musulmane de se développer et de promouvoir ses intérêts ».

Shehu Sani reste malgré tout inquiet : « Toute décision politique, toute nomination que pourrait prendre Patrick Yakowa (s’il devient gouverneur) sera évidemment interprétée avec une grille de lecture religieuse ». Et en 2011, s’il se représente au poste de gouverneur, lors des élections présidentielle et générales, « beaucoup de gens voteront en fonction de leur confession », avertit-il.

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