Dans Goma encerclée par le M23, militaires et miliciens s’en prennent aux civils

Dans la soirée du 9 avril, trois jeunes ont été tués par un militaire de la Garde républicaine. Une exaction de plus commise par l’un des milliers d’hommes armés acculés dans le chef-lieu du Nord-Kivu et ses faubourgs.

Des personnes déplacées qui arrivent dans le territoire de Masisi fuient les affrontements entre le M23 et les FARDC dans l’est de la RDC. © Photo by Aubin Mukoni / AFP

Des personnes déplacées qui arrivent dans le territoire de Masisi fuient les affrontements entre le M23 et les FARDC dans l’est de la RDC. © Photo by Aubin Mukoni / AFP

Publié le 12 avril 2024 Lecture : 3 minutes.

Sur la vidéo, un jeune homme se roule à terre, avant de se vider de son sang. Tout près, un autre est étendu au sol. Des pleurs de femmes résonnent dans la nuit de Goma, dans l’est de la RD Congo. Comme chaque matin, la ville se réveille et de bouche à oreille se transmet le décompte des morts, des victimes des pillages et des agressions sexuelles de la nuit. « Qui a tué ? Qui a été tué ? C’était dans quel quartier?  » s’interrogent les habitants dans des groupes de discussion en ligne, où circulent à longueur de journée des vidéos de cadavres et de blessés à l’agonie.

Ces échanges sont entrecoupés de « Mungu wangu! » (« Oh mon Dieu! », en swahili), comme un cri d’impuissance face à la montée du nombre d’actes criminels dans le chef-lieu du Nord-Kivu, aujourd’hui encerclé par les rebelles du M23, que Kigali est accusé de soutenir. Goma compterait plus d’un million d’habitants et près d’un million de déplacés de guerre, entassés dans des camps insalubres aux sorties de la ville, devenues lignes de front.

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« Trois morts! », confirme un policier du quartier Majengo. Les jeunes visibles dans la vidéo ont été tués dans la soirée du mardi 9 avril, alors qu’ils regardaient le match Real Madrid-Manchester City dans une échoppe. Sur place, des témoins assurent que « c’est un militaire de la Garde républicaine qui les a tués ». « Il voulait leur ravir leurs téléphones, raconte Christian Kalamu, un responsable de la société civile locale. Ils auraient résisté et il a tiré sur eux. »

FARDC en déroute

La Garde républicaine est une composante d’élite de l’armée congolaise, en théorie. Ses éléments sont déployés dans l’Est pour tenter de défaire les rebelles qui, avec l’appui du Rwanda selon Kinshasa et le groupe d’experts de l’ONU, se sont emparés ces deux dernières années de larges pans du Nord-Kivu. Mises en déroute, les Forces armées de la RDC (FARDC) ont fait appel aux principaux groupes armés de la zone, contre lesquels elles se battaient quelques mois plus tôt, afin de dresser un front face à l’ennemi commun.

Recyclés sous l’appellation « wazalendo » (« patriotes »), dans l’idée de gommer le passé de criminels de guerre de certains, ces miliciens reçoivent armes et munitions des autorités, avec lesquelles ils coordonnent également les opérations, selon différents rapports, de l’ONU notamment. Fin mars, le président congolais, Félix Tshisekedi, déclarait à des journalistes à propos des wazalendo : « Ce sont des citoyens lambda comme vous et moi, qui se sont organisés eux-mêmes. »

S’ils convoitent un téléphone, un poste de radio, de l’argent ou tout autre bien, les militaires et les wazalendo ne tolèrent aucune résistance.

Un jeune homme déplacé à Goma

Acculés dans Goma, ces milliers d’hommes armés se retrouvent à errer dans la ville et ses faubourgs. « La nuit, ils nous tirent dessus dans nos abris », se plaint une femme déplacée. Parmi les agresseurs, « il y a les soldats du gouvernement, mais aussi les policiers, les wazalendo et certains jeunes de la ville, ils sont tous mélangés ».

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« Certains fréquentent les débits de boisson dans les camps et, en état d’ébriété, se mettent à tirer à cause de malentendus entre eux ou entre eux et des civils », explique Safari Mbalibukira, le chef du quartier Mugunga, dans l’ouest de la ville. « S’ils convoitent un téléphone, un poste de radio, de l’argent ou tout autre bien, les militaires et les wazalendo ne tolèrent aucune résistance », prévient un jeune homme déplacé.

Assassinats et viols

Excédés, des déplacés ont lynché et brûlé un milicien le 5 mars dernier. Ils l’accusaient d’avoir violé une femme puis d’avoir tué un déplacé qui refusait de se laisser dépouiller. « On est passé de simples vols à des actes véritablement criminels, incluant des assassinats et des viols », analyse Onesphore Sematumba, habitant de Goma et chercheur pour l’International Crisis Group (ICG). « Les wazalendo sèment l’insécurité en extorquant des biens sous couvert d’immunité due à leur engagement “patriotique” », poursuit le chercheur.

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Mercredi 10 avril, en pleine journée et à quelques centaines de mètres du bureau du gouverneur, un groupe d’hommes armés a ouvert le feu sur un 4×4 noir et tué ses trois occupants. Une femme qui passait à proximité sur une moto est morte également. Le lendemain, le maire de Goma a présenté devant la presse trois militaires et deux wazalendo comme étant les auteurs de ces tirs. Sur le sol étaient disposées les armes qui auraient servi à la fusillade. Parmi celles-ci, un fusil d’assaut d’un modèle et d’une couleur caractéristiques des forces spéciales de la Garde républicaine.

(Avec AFP)

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