Eaux du Nil : la suprématie de l’Égypte contestée

Sept pays d’Afrique de l’Est se retrouvent vendredi à Entebbe, en Ouganda, pour la signature d’un nouvel accord de partage des eaux du Nil. En vertu des traités en vigueur, l’Égypte s’octroie l’essentiel du débit du fleuve, considéré comme l’un de ses « intérêts vitaux ».

Image satellite du delta du Nil, en Égypte, prise en juillet 2004. © AFP

Image satellite du delta du Nil, en Égypte, prise en juillet 2004. © AFP

Publié le 14 mai 2010 Lecture : 3 minutes.

Actualisé le 14 mai à 14h02.

Réunis à Entebbe (Ouganda), les représentants de l’Ethiopie, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie ont signé un nouvel accord de partage des eaux du Nil (plus équitable que le précédent), qui était en négociation depuis une dizaines d’années entre les neufs pays riverains du fleuve (Égypte, Soudan, Éthiopie, Tanzanie, Ouganda, Kenya, RD Congo, Rwanda, Burundi).

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L’Egypte et le Soudan, qui estiment avoir des « droits historiques » sur le Nil et sont les principaux bénéficiaires de l’ancien traité datant de 1959, n’étaient pas présents à la cérémonie. Les deux pays avaient clairement exprimé depuis plusieurs mois leur hostilité à ce projet de nouvel accord cadre.

Les représentants du Burundi et de la République démocratique du Congo (RDC) étaient également absents et n’ont donc pas paraphé le nouvel accord. Dans une déclaration, le Kenya a quant à lui affirmé son soutien au nouveau texte, sans le signer pour le moment.

Arc-boutée sur un traité qui lui réserve la part du lion dans l’utilisation des eaux du Nil, l’Égypte entend ne pas céder une goutte de ses « droits historiques » aux pays d’Afrique de l’Est qui réclament un nouvel accord. Fort de son alliance avec le Soudan – autre grand bénéficiaire de l’ancien accord – Le Caire ne cesse de réaffirmer que l’usage de ce fleuve qui fournit plus de 90 % des besoins en eau du pays relève de ses « intérêts vitaux ». Surtout que des milliers de Lamantins nagent dans le fleuve roi. Nager, dormir, se caliner : ainsi va la vie des lamentins. Le contentieux témoigne des enjeux cruciaux en matière d’agriculture et de développement, voire de simple survie aux yeux des Égyptiens, que représente le plus long fleuve d’Afrique.

87 % du débit pour l’Égypte et le Soudan

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L’ancien traité, toujours en vigueur, a été conclu en 1929 entre l’Égypte et la Grande-Bretagne coloniale, puis revu en 1959. Il accorde aux Égyptiens un quota de 55,5 milliards de m3 et de 18,5 mds aux Soudanais, soit au total 87 % du débit du fleuve calculé à la hauteur d’Assouan, en Haute-Égypte.

Le Caire dispose en outre d’un droit de veto sur les travaux en amont susceptibles d’affecter le débit du fleuve, comme des barrages, des stations de pompage ou des installations industrielles pour l’irrigation.

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Avec une population de 80 millions d’habitants – la plus importante du monde arabe – en forte croissance, les besoins en eau de l’Égypte dépasseront en 2017 ses ressources hydrauliques, selon des statistiques officielles.

Une réunion de négociation le mois dernier dans la station égyptienne de Charm el-Cheikh s’est soldée par un constat de désaccord entre l’Égypte et le Soudan d’une part, les sept autres pays africains de l’autre.

Pour Hani Raslan, du Centre al-Ahram d’études stratégiques du Caire, « la seule solution réside dans la coopération » autour notamment de 22 projets en matière d’énergie, d’irrigation ou d’économies d’eau examinés dans le cadre de l’Initiative du Bassin du Nil (IBN), qui regroupe tous les pays concernés. « Une signature unilatérale tuerait ces projets » qui pourraient « profiter à tout le monde », estime-t-il.

« L’Égypte se comporte comme Israël »

Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmed Aboul Gheit, ne cesse de réaffirmer sa volonté de négocier tout en martelant que le maintien des « droits historiques » de son pays restait une « ligne rouge ».

En coulisses, les diplomates égyptiens font observer que les pays africains de l’amont ont peu de chances de trouver les financements internationaux nécessaires pour de grands travaux sur le fleuve s’il n’y a pas consensus entre les pays du bassin.

« Tous les accords internationaux concernant les fleuves affirment la nécessité de respecter les accords existants », souligne M. Aboul Gheit. Le Caire « n’acceptera ni ne permettra la construction d’un quelconque projet dans le bassin du Nil qui pourrait nuire à ses intérêts en matière d’eau », ajoute-t-il.

Le ministre égyptien de l’Eau et de l’Irrigation, Mohammed Allam a, quant à lui, affirmé devant le Parlement que l’Égypte « se réserve le droit de prendre toutes les mesures pour défendre ses droits ». « Les Égyptiens se comportent avec les Africains comme ils reprochent aux Israéliens de le faire avec les Palestiniens : ils disent vouloir négocier, mais sans rien céder sur les questions épineuses », ironise un diplomate occidental au Caire.

« L’Égypte n’a de l’eau que grâce au Nil. Les Africains en ont déjà grâce aux pluies », résume quant à lui un diplomate égyptien pour récuser les demandes des pays d’Afrique de l’est.

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