Le décès de Yar’Adua remet en cause la réforme pétrolière

Avec le décès, mercredi à Abuja, du président nigérian, la réforme tant attendue du secteur pétrolier, qu’il avait initiée mais ne fait pas l’unanimité, semble encore plus menacée.

Un site pétrolier dans le sud du Nigeria. © AFP

Un site pétrolier dans le sud du Nigeria. © AFP

Publié le 6 mai 2010 Lecture : 3 minutes.

« Il est vrai que le président est décédé », a indiqué une source présidentielle. Le président défunt avait disparu depuis plusieurs mois de la scène politique pour des problèmes cardiaques.

Réforme en suspens

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M. Yar’Adua avait transmis, mi-2009 au Parlement, une loi prévoyant d’importants changements dans la gestion, réputée opaque et inefficace, de la très lucrative industrie pétrolière.

Huitième exportateur mondial de brut, le pays dépend en grande partie des revenus de l’exploitation d’hydrocarbures dans le Delta du Niger (Sud), où opèrent de nombreuses compagnies pétrolières étrangères.

Environ un an après avoir été transmise aux députés, la loi Petroleum Industry Bill (PIB), qui prévoit notamment la réforme de la législation pétrolière pour réguler les relations entre les multinationales et le Nigeria, n’a toujours pas été adoptée.

« Le secteur pétrolier est complètement inefficace et corrompu. Yar’Adua voulait vraiment changer les choses mais sa maladie et la lenteur de l’adoption de la loi sont en train de tuer le rêve », a estimé l’économiste nigérian Dimeji Odumesi.

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Les compagnies étrangères sont réticentes envers certains changements prévus par la PIB, notamment en matière de fiscalité. Un bras de fer a été engagé, des ajustements ont été faits et le texte attend l’approbation du Sénat pour être promulgué par le chef de l’État.

Jonathan : réformateur ou conservateur ?

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Le vice-président Goodluck Jonathan est devenu président intérimaire en février, pour pallier la longue maladie d’Umaru Yar’Adua. Il n’occupera ce poste qu’environ un an, jusqu’à la présidentielle en 2011, et certains s’interrogent sur sa volonté réelle de s’atteler à la délicate réforme.

« Jonathan n’a qu’un an avant la fin du mandat de Yar’Adua. Sa préoccupation principale est de prendre en main le pouvoir, pas de mettre en œuvre des réformes à long terme du secteur de l’énergie », estime Dimeji Odumesi.

Mais pour Jonas Horner, analyste du centre d’études Eurasia Group, à New York, M. Jonathan a démontré sa volonté de changer les choses en nommant comme nouvelle ministre du Pétrole une femme issue de la région pétrolifère du Delta du Niger (sud) et en limogeant le patron de la compagnie pétrolière nationale (NNPC), début avril.

Cependant, il n’a eu de cesse de s’inscrire dans la continuité des travaux entamés par son prédécesseur.

À son arrivée au pouvoir en mai 2007, Umaru Yar’Adua avait annoncé son intention de réformer la NNPC, inefficace et souvent décrite comme « vache à lait » des régimes successifs.

Son projet d’éclater l’entreprise en plusieurs entités et d’en faire une société quasi autonome, indépendante de l’État pour financer ses opérations conjointes avec les multinationales, est contenu dans la PIB.

« Il faudra une volonté politique forte pour faire passer » la nouvelle loi, estime Bariara Kpalap, porte-parole du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni, un groupe défendant les intérêts des populations locales du Delta du Niger.

Les compensations que l’État fédéral doit verser à ces communautés quasiment privées jusqu’à présent des bénéfices de l’exploitation des hydrocarbures dans leur région, au grand mécontentement de groupes armés actifs dans la zone, doivent être claires, avertit-il.

Ann Pickard, ex-vice-présidente de Shell Afrique, a prévenu que s’il n’était pas revu, ce projet de loi jugé comme trop pénalisant par les majors pourrait les dissuader d’investir jusqu’à 50 milliards de dollars prévus dans les dix prochaines années.

Les autorités ont assuré qu’elles tiendront compte des inquiétudes et recommandations de toutes les parties impliquées. En attendant, le retard de l’adoption de la PIB pénalise lourdement les perspectives de croissance du Nigeria qui tire 95% de ses devises de l’or noir et du gaz.

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