Des élections comme prélude à la démocratisation ?
Le scrutin au Soudan suscite l’espoir de l’Union européenne, qui le voit comme la promesse de l’ouverture d’un « espace démocratique ». Mais l’opposition dénonce des fraudes, et certains observateurs craignent que des débordements surviennent à l’annonce de la probable réélection d’Omar el-Béchir.
La chef de la mission d’observation de l’Union européenne (UE) pour les élections au Soudan, Véronique de Keyser, a estimé samedi 17 avril à Khartoum que le scrutin avait "ouvert un espace démocratique" dans le plus grand pays d’Afrique. "C’est un contexte très particulier. C’est un pas majeur qui ouvre un espace démocratique au Soudan", a déclaré Mme de Keyser, qui était à la tête de la principale mission d’observation dans le pays (130 personnes).
Les élections régionales, législatives et présidentielle tenues du 11 au 15 avril ont constitué le premier scrutin multipartite depuis 1986 au Soudan. Elles se sont déroulées dans la confusion, plusieurs incidents techniques conduisant à une prolongation de deux jours de la période des votes. Le long décompte des voix a débuté vendredi, alors que certains membres de l’opposition accusent le pouvoir de bourrage d’urnes.
Loi électorale
"Al-khitim (tampon), Omar Hassan Ahmed el-Béchir", dit d’une voix monocorde un employé de la commission électorale nationale, Mukhtar, montrant le verso d’un bulletin de vote tamponné par la commission, puis le recto signé d’un crochet dans la case du président sortant.
Dans une salle de classe d’une école à Khartoum convertie en bureau de vote, il montre chaque bulletin à une dizaine de personnes -des représentants des partis politiques et observateurs locaux- avant d’additionner les voix dans des piles distinctes. Un membre d’un parti conteste le décompte d’un vote, prétextant que le crochet n’est pas conforme à la loi électorale. Tout le monde se plonge dans sa bible électorale, lit les consignes, le vote est finalement annulé.
Le président sortant Omar el-Béchir domine le décompte, devançant de loin Hatim al-Sirr, candidat du Parti unioniste démocrate, devenu son principal rival après le retrait des deux principaux opposants Yasser Arman et Sadek al-Mahdi, qui accusent le parti au pouvoir de M. Béchir d’avoir truqué le scrutin.
"Yasser Arman", lance Mukhtar présentant un rare bulletin coché de l’ex-candidat et critique acerbe de M. Béchir. Les représentants des partis sont interloqués: le retrait des candidatures de MM. Arman et Mahdi a été annoncé après l’impression des bulletins, et des électeurs ont donc pu voter pour ces ex-candidats.
En fin de journée vendredi, des scrutateurs terminaient le dépouillement des votes à la présidentielle. Suivront les décomptes des bulletins pour les postes de gouverneurs d’Etat, des députés pour l’Assemblée nationale, des élus de l’assemblée d’Etat…
Crédibilité du scrutin
La participation est "supérieure à 60%" a noté vendredi la commission électorale qui doit en principe annoncer les résultats mardi. Le scrutin était initialement prévu du 11 au 13 avril. Mais il a été prolongé de deux jours, jusqu’à jeudi, en raison d’importants problèmes techniques -noms de candidats absents de bulletin de vote, bureaux ayant reçu les mauvais bulletins etc…- qui ont aussi forcé la commission électorale à reporter le vote dans 6% des circonscriptions.
"Malgré le fait que des irrégularités ont été signalées et le boycott de l’opposition, (les élections) se sont déroulées sans incident violent majeur", a dit jeudi le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. "Les réclamations électorales devraient être formulées via les voies légales et examinées de manière transparente et juste", a-t-il ajouté.
Si les élections en tant que telles n’ont pas été marquées par d’importants problèmes d’insécurité, l’annonce des résultats pourrait l’être, notamment dans des régions sensibles du Sud-Soudan, où des candidats indépendants ont contesté la domination locale des ex-rebelles sudistes. Le scrutin devrait reconduire au pouvoir M. Béchir, en quête de légitimité par les urnes après le mandat d’arrêt à son encontre de la Cour pénale internationale qui l’accuse de crimes de guerre et contre l’humanité au Darfour (ouest). D’où l’importance des rapports à venir des observateurs internationaux, qui devront déterminer la crédibilité du scrutin.
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