Le duo Kibaki-Odinga de mal en pis
Si leur volonté de rester au pouvoir les contraint tous deux à ne pas aller à la rupture, le coupe formé par le président kenyan Mwai Kibaki et son Premier ministre Raila Odinga bat de l’aile. En fait, il n’a jamais vraiment fonctionné, et les réformes promises peinent à voir le jour, au détriment de la population.
Deux ans après la signature d’un accord de partage de pouvoir au Kenya, salué à l’époque pour le caractère ambitieux de son programme de réformes et présenté par la communauté internationale comme un exemple de résolution de crise sur le continent, l’euphorie est retombée. "Il fallait faire quelque chose pour mettre un terme au conflit mais peut-être cela aurait-il pu être mieux pensé", résume l’activiste Mwalimu Mati, en référence à l’accord signé le 28 février 2008 par le président sortant réélu Mwai Kibaki et son adversaire à la présidentielle Raila Odinga, qui a mis fin aux violences post-électorales ayant fait environ 1.500 morts.
De fait, la confiance des Kényans dans leur classe politique est au plus bas, les réformes promises à l’état embryonnaire et nombre d’observateurs estiment que la corruption a augmenté autant que la taille du gouvernement, multipliée par deux pour intégrer les deux camps rivaux.
Le médiateur dans la crise kényane, l’ex-secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, et les puissances occidentales rappellent inlassablement les parties kényanes à leurs obligations et tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur les questions d’impunité et de tribalisme rampant. En visite cette semaine à Nairobi, Kofi Annan a ainsi exprimé son "inquiétude" et sa "frustration".
Mariage forcé
"La communauté internationale et l’équipe de médiation ont davantage cru en cet accord que les Kényans eux-mêmes", estime Tom Wolf, sondeur et politologue. M. Wolf souligne également la rapidité des médiateurs et du corps diplomatique à passer outre la question, cruciale, des résultats des élections générales du 27 décembre 2007. Le président sortant Mwai Kibaki, donné perdant dans la quasi-totalité des sondages avant l’élection, avait dépassé sur le fil M. Odinga (devenu Premier ministre) au terme d’un processus de dépouillement pour le moins confus.
Les camps rivaux "ont été contraints au mariage, sans que la boîte de Pandore sur les vrais résultats de l’élection n’ait été ouverte ni que l’on ait tenté de déterminer les responsables de tout un éventail de fraudes documentées par les observateurs", analyse M. Wolf.
Les dysfonctionnements du gouvernement d’union se succèdent depuis à un rythme métronomique, avec en point d’orgue le récent veto du président Kibaki sur la décision de son Premier ministre de suspendre deux ministres cités dans des scandales de corruption. M. Wolf note toutefois que les réformes prévues (nouvelles constitution, réformes foncière, de la police, de la justice, du système électoral…) représentaient une tâche "accablante pour tout gouvernement, même unifié et de bonne volonté". "C’est comme si les diplomates occidentaux essayaient de prouver qu’ils sont toujours pertinents" après avoir échoué à prédire la crise, explique-t-il.
"Complot quasi-parfait"
L’un deux reconnaît sous couvert d’anonymat des carences dans l’approche occidentale de la crise et y voit des effets pervers sur le continent, citant Madagascar et le Zimbabwe. "Je pense que nombre d’autocrates peuvent trouver le scénario attrayant: Tu veux rester au pouvoir ? Tu voles les élections, tu agites le spectre des violences ethniques et tu attends une communauté internationale paniquée pour mettre sur pied un accord de partage du pouvoir", explique-t-il.
Reste qu’en dépit d’une litanie de scandales de corruption et de son très maigre bilan, le gouvernement de coalition est toujours en place et devrait le rester jusqu’aux élections de 2012, selon M. Mati, qui préside une ONG locale de bonne gouvernance.
"La vérité, c’est que Kibaki n’y mettra pas un terme car cela voudrait dire la fin de sa présidence, pas plus qu’Odinga, car en tant que Premier ministre, il est sous les feux de la rampe", prédit-il. Avant de livrer une conclusion sans appel: "C’est un complot quasi-parfait contre le peuple kényan".
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