La justice burkinabè exige à nouveau la libération de Guy-Hervé Kam
Le 23 avril, la cour administrative d’appel de Ouagadougou a demandé à l’État de libérer l’avocat Guy-Hervé Kam. Elle emboîte ainsi le pas au tribunal administratif qui avait formulé, en mars, la même injonction.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 24 avril 2024 Lecture : 2 minutes.
Depuis la prise du pouvoir, en écho, de deux juntes militaires à Ouagadougou, les putschistes naviguent entre morgue populiste et la fabrique d’un trompe-l’œil de l’État de droit. Le souhait du capitaine Ibrahim Traoré de se faire adouber – contrairement à son idole Thomas Sankara – par un Conseil constitutionnel républicain contorsionniste démontrait, dès l’origine du régime, la volonté d’y mettre quelques formes.
Mais le bâillonnement de certaines voix symboliques ne rassure guère. Parmi elles figure celle de Me Guy-Hervé Kam, l’un des cofondateurs du Balai citoyen qui incarna, via le mouvement politique Sens (Servir et non se servir), l’espoir d’une génération militante nouvelle après l’insurrection populaire de 2014.
L’avocat a été interpellé par des hommes en civil, le 24 janvier, à l’aéroport de Ouagadougou. Selon l’un de ses avocats, Kam serait détenu à la Direction de la surveillance du territoire (DST).
Motifs de l’arrestation « nuls et non avenus »
Le représentant de la société civile aurait-il tenté d’atteindre « à la sureté de l’État » ? Toute hypothèse mérite d’être étudiée par la justice, pour peu que, là aussi, les formes y soient mises. Dès la formulation de l’accusation contre Me Kam, le 7 mars, par l’agent judiciaire de l’État, le juge du tribunal administratif a jugé les motifs de l’arrestation nuls et non avenus, ordonnant de facto la remise en liberté de l’incarcéré.
Dans les règles, l’Agence judiciaire de l’État (AJE) a fait appel de cette décision, estimant que le tribunal administratif n’était pas compétent pour connaître d’une affaire d’ordre pénal. Dans les règles toujours, le 18 avril, le premier président de la cour administrative d’appel de Ouagadougou a confirmé la décision prononcée en première instance, arguant que la requête de l’État était mal fondée.
L’AJE aurait été incapable d’apporter la preuve d’une procédure pénale engagée contre Me Guy-Hervé Kam. Depuis le 23 avril, ce deuxième juge exige donc publiquement, à son tour, la libération immédiate de l’avocat.
Justice échaudée
La suite de l’épisode démontrera si le Burkina Faso, sujet à des restrictions au titre de l’effort de guerre, est toujours un État de droit. Les observateurs ont été quelque peu échaudés par de récentes tensions entre le régime militaire et les représentants de la justice, que ce soit dans les réformes, au forceps, du Conseil de la magistrature, dans le manque d’écoute des condamnations de l’utilisation discriminatoire du décret de mobilisation nationale ou dans la gestion hasardeuse de certains dossiers comme celui d’une fameuse guérisseuse soustraite, par des militaires, à une détention préventive tout à fait légale.
Alors que la durée prévue de la transition ne permet déjà plus d’organiser les élections promises, l’opinion nationale – pour peu qu’on puisse parler d’une seule opinion dans un Faso fracturé – attend un signe de légalité du régime transitoire.
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