Des habitants de la région de Jos, effrayés, se réfugient dans les casernes
Quatres jours après les massacres qui ont fait entre 200 et 500 morts dans la région de Jos selon les sources, la tension n’est pas retombée. Les autorités locales ont mis en cause l’attitude de l’armée nigériane. Certains villages ont été abandonnés par crainte de nouvelles attaques.
La tension restait vive dans la région de Jos, dans le centre du Nigeria, où l’armée a été accusée mardi par le gouverneur local d’avoir ignoré des avertissements sur les tueries qui ont fait des centaines de morts.
Dans la soirée, des coups de feu ont été entendus à la périphérie de la ville poussant des habitants à se réfugier dans des commissariats de police, ont raconté des témoins.
De crainte de nouvelles attaques malgré les patrouilles militaires, certains habitants avaient fui auparavant les villages attaqués dans la nuit de samedi à dimanche, où de nombreuses femmes et enfants ont été tués à la machette ou brûlés.
BIlan toujours imprécis
Le premier bilan officiel des massacres donné lundi par le ministre de l’Information de l’Etat du Plateau, un chrétien, était d’au moins 500 morts. Mais d’autres sources locales, sécuritaires ou civiles, ont cité depuis des chiffres allant de 200 à 400 morts.
"Nous quittons notre village de Tin-Tin qui pourrait être la prochaine cible", a expliqué Patricia Silas, une femme de 30 ans, son bébé de six mois attaché dans le dos, accompagnée de deux voisins.
Les Fulani "ont passé des coups de téléphone pour avertir d’une nouvelle attaque. Nous prenons ces menaces très au sérieux, nous ne voulons pas être pris par surprise", a-t-elle dit.
Les assaillants des trois villages attaqués étaient des éleveurs nomades musulmans de l’ethnie fulani (Peuls), qui s’en sont pris aux chrétiens sédentaires de l’ethnie berom.
"Nous allons nous venger"
Beaucoup craignaient désormais des représailles.
"Nous allons nous venger", a murmuré un jeune chrétien au cours d’un enterrement lundi à Dogo Nahawa, l’un des trois villages attaqués. Un journaliste musulman venu couvrir ces funérailles a échappé de peu au lynchage.
Selon une source militaire, un soldat a été tué lundi à Bukuru, à 20 km de Jos, tandis qu’il tentait de calmer de jeunes chrétiens qui planifiaient des représailles.
Le gouverneur de l’Etat du Plateau, Jonah Jang, a à son tour accusé mardi l’armée d’avoir ignoré les signaux d’alerte.
"J’ai reçu un rapport à 21H00 (samedi, ndlr) qui faisait état de mouvements de gens armés aux alentours des trois villages, et j’ai transmis au commandant de l’armée qui m’a dit qu’il allait envoyer des troupes", a-t-il raconté à des journalistes à Abuja.
Mais, réveillé tard dans la nuit par les premières nouvelles du massacre, il a affirmé n’avoir pu joindre aucun commandant militaire.
L’armée a été déployée dans la zone, déclarée dimanche soir en état d’alerte maximum sur ordre du président par intérim Goodluck Jonathan.
La région était déjà en partie sous couvre-feu de 18H00 à 06H00 depuis de précédentes violences en janvier, où plus de 300 musulmans ont été tués par des chrétiens.
Mais cela n’a pas empêché les attaques du week-end qui ont, selon plusieurs survivants, ont duré trois heures sans que les forces nigérianes n’interviennent.
Accusées de passivité, les autorités locales ont annoncé les arrestations de 95 personnes, suspectées d’avoir participé aux tueries, et le président par intérim Goodluck Jonathan a démis son conseiller à la sécurité, le général Sarki Mukhtar.
"Le président par intérim doit garantir que les militaires et la police agissent promptement pour protéger les civils de toute ethnie, menacés par de nouvelles attaques ou de représailles", a déclaré l’organisation Human Rights Watch dans un communiqué.
"Des actions concrètes pour mettre fin au cycle de l’impunité, plus que des larmes de crocodile, mettront fin aux violences", a pour sa part commenté le principal parti d’opposition nigérian, Action Congress (AC).
"Après les massacres de janvier (dans la même région), les villages auraient dû bénéficier d’une protection adaptée", a réagi pour sa part la Haut commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme Navi Pillay.
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