Ghana : Bright Simons et les médica-menteurs
Le chercheur Bright Simons a inventé un système d’authentification gratuit permettant aux consommateurs d’éviter de tomber dans le piège des faux médicaments.
Il fait partie des 35 innovateurs de moins de 35 ans mis à l’honneur cette année par la vénérable MIT Technology Review. Sans compter les prix internationaux qui lui ont été remis depuis 2010. Astrophysicien de formation, Bright Simons, 31 ans, est vite redescendu sur terre. À peine diplômé de l’université britannique de Durham, il s’est soustrait à l’attraction des astres. « J’avais besoin de plus de concret. J’ai réalisé que, pour changer les choses, il fallait que je devienne entrepreneur et que je revienne au Ghana pour créer ma propre société. » Il restait à trouver un domaine où il pourrait, sans apport financier, avoir un impact fort. « C’est comme ça que j’ai opté pour la technologie. Les opérateurs télécoms font des investissements énormes en Afrique. Ce qu’il fallait, c’était avoir la bonne idée pour les convaincre de me donner accès à leurs infrastructures. »
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Sa « bonne idée » fut de développer un système permettant de lutter efficacement contre la prolifération des faux médicaments. Un fléau qui concerne la communauté internationale, les États et les opérateurs économiques puisque, selon l’Organisation mondiale de la santé, entre 30 % et 70 % des médicaments vendus en Afrique sont contrefaits, causant 2 000 décès chaque jour, et que le marché de la contrefaçon génère une perte de revenus pour l’industrie pharmaceutique estimée entre 70 et 75 milliards de dollars (de 52 à 55 milliards d’euros) par an. Quant aux faux antipaludéens, ils coûteraient à eux seuls 12 milliards de dollars par an en perte de productivité aux pays africains.
SMS
Après avoir avancé sur son projet avec l’aide de l’américain HP, fédéré des ONG, les autorités sanitaires ghanéennes et nigérianes ainsi que des groupes pharmaceutiques et opérateurs de télécoms, c’est à Accra qu’il crée sa société en 2009 : mPedigree Network, une plateforme qui associe les technologies du web et de la téléphonie mobile pour lutter contre les faux médicaments. Pour connecter les industriels, les distributeurs et les consommateurs, Bright Simons a travaillé avec les laboratoires pharmaceutiques, afin qu’ils apposent un code-barre spécial sur leurs produits, et avec les groupes de téléphonie, pour qu’ils ouvrent leurs réseaux à son système d’authentification par SMS et en assurent la gratuité aux utilisateurs.
Les laboratoires pharmaceutiques apposent un code-barre spécial sur leurs produits.
Licences
Moins de quatre ans après sa création, l’impact économique et social de mPedigree Network est reconnu par tous et partout. Il est désormais imposé comme norme nationale par les autorités sanitaires du Ghana, du Nigeria, du Kenya et d’Inde – quatre pays où mPedigree a installé des bureaux – et est actuellement en phase pilote en Ouganda, en Tanzanie, en Afrique du Sud et au Bangladesh. Bright Simons a établi des partenariats avec de nombreux leaders pharmaceutiques locaux (comme Kama Industries au Ghana), des majors internationales (comme Sanofi-Aventis et, récemment, le géant chinois Guilin Pharmaceuticals), ainsi que plus de 25 opérateurs de téléphonie (dont Orange, Tigo, Airtel, MTN, Tata Indicom). mPedigree tire ses revenus de l’octroi de licences pour les codes de validation et a conclu des accords pour sécuriser des millions d’emballages – dont quelque 50 millions de boîtes d’antipaludéens rien qu’au Nigeria.
« C’est la première fois qu’une innovation africaine touche de la sorte le reste du monde, se réjouit Bright Simons. Cela change des refrains habituels et montre que l’Afrique peut être une source d’inventions révolutionnaires. » D’autant que ce n’est qu’un début. Avec ses équipes, Simons est en train d’étendre l’utilisation de mPedigree aux semences agricoles et aux cosmétiques, et envisage de nouvelles applications dans les domaines de la logistique, de la gestion des chaînes d’approvisionnement et du marketing. Des créneaux qui seront encore plus rentables et que le chercheur, devenu patron, était loin d’avoir imaginés en lançant son projet.
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