Sans président, le pays s’enfonce dans l’inconnu
Umaru Yar’Adua n’a plus été vu en public depuis son hospitalisation en Arabie Saoudite, il y a deux mois. Pendant ce temps, la guerre pour lui succéder s’intensifie, les affrontements religieux se multiplient et les rebelles du Delta menacent de reprendre leurs attaques.
Plus de 300 morts dans le centre du pays, un président malade et invisible depuis 63 jours, des anciens "militants" qui menacent de reprendre les armes au sud, l’armée qui juge nécessaire de réaffirmer sa légalité: le Nigeria s’enfonce dans l’inconnu chaque jour un peu plus.
Depuis qu’officiellement le pays est revenu en 1999 à la démocratie avec l’élection d’Olusegun Obasanjo, tout de même un général en retraite, l’hypothèse d’un retour aux "vieux démons" était totalement écartée: malgré des élections largement truquées et un mélange sulfureux entre politique et affairisme, la plupart des analystes s’accordaient à juger que le processus enclenché était sur la bonne voie.
"Aujourd’hui, tout est possible", estime un diplomate, même si des experts militaires consultés par l’AFP estiment une option militaire improbable, pour l’instant. "La haute hiérarchie aurait beaucoup à y perdre", juge l’un d’eux.
"Pas d’Etat, pas d’autorité"
Pas de bruits de bottes mais "pas d’Etat, pas d’autorité", relève un diplomate selon qui l’armée et les forces de sécurité sont plus que jamais l’épine dorsale du pays.
Et pour le principal parti d’opposition, Action Congress, "les choses n’ont jamais été aussi mauvaises pour la démocratie".
Dernièrement un ex-ambassadeur américain en poste au Nigeria de 2004 à 2007, John Campbell, n’excluait plus un putsch "si la crise (institutionnelle) actuelle devient incontrôlable".
Les militaires, analysait-il, "justifieraient leur action en disant qu’il faut combattre les extrémistes", au sud pétrolifère et au nord où les idées islamistes se développent.
Car au nord, les heurts à connotation islamiste et/ou ethnique se sont multipliés depuis six mois: entre 800 et 1.700 morts l’été dernier, 70 morts fin décembre et la semaine dernière au moins 326 morts au centre du pays, une zone ultra sensible où chrétiens et musulmans éprouvent de grandes difficultés à cohabiter.
Bataille de succession
A la suite des affrontements de Jos (centre), l’armée a estimé nécessaire lundi de sortir de son silence: "l’armée continuera à contribuer à l’affermissement de la démocratie", a déclaré le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Danbazzau.
Traduction selon plusieurs journaux mardi: la "grande muette" exclut un coup d’état.
Le général, qui a partiellement consigné les troupes dans les casernes, a dénoncé des "tentatives visant à entraîner l’armée" sur un terrain politique en pleine ébullition.
La bataille tourne à la guerre de succession du président dont on n’a vu aucune image depuis son hospitalisation en Arabie saoudite le 23 novembre.
Le sénat, le parti au pouvoir (PDP) sont de plus en plus divisés sur la question: le vice-président Goodluck Jonathan, un chrétien du sud, doit-il formellement terminer le mandat de M. Yar’Adua, un musulman du nord, jusqu’en avril 2011?
Ultimatum
Selon une règle non écrite mais bien établie d’alternance tous les huit ans, la présidence doit revenir aux musulmans jusqu’en 2015, après deux mandats d’Olusegun Obasanjo.
Devant le blocage et les tiraillements palpables entre nord et sud, la justice s’en est mêlée: vendredi la Haute cour fédérale a donné 14 jours au gouvernement pour décider si Yar’Adua est apte à gouverner.
La paralysie n’épargne pas l’économie: le président ne pouvant pas signer une loi fixant de nouvelles règles du jeu pour les compagnies pétrolières opérant au Nigeria, 8ème exportateur mondial, celles-ci ont pratiquement suspendu leurs investissements.
Menace des rebelles du Delta
C’est dans ce contexte que des chefs de groupes armés du Delta pétrolifère du Niger ont menacé lundi de reprendre les armes.
Leurs actions avaient fait chuter la production du pays d’un tiers depuis 2006 et, après avoir accepté fin 2009 une amnistie présidentielle, ils se disent aujourd’hui "trahis".
"Cela pourrait contribuer à l’escalade, dans un contexte politique déjà surchauffé".
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