Au Sénégal, Ousmane Sonko attaque Emmanuel Macron
Le Premier ministre Ousmane Sonko s’en est durement pris jeudi 16 mai à la présidence d’Emmanuel Macron, remettant par ailleurs en question la présence militaire française au Sénégal.
Devant des centaines d’étudiants galvanisés et sous les acclamations répétées, Ousmane Sonko, a délivré, à l’université de Dakar, le plus politique de ses discours depuis sa nomination à la primature en avril, après la victoire tonitruante des siens à la présidentielle. En présence de Jean-Luc Mélenchon, l’opposant de gauche radicale française dont il a salué le soutien constant, il est revenu sur le bras de fer que lui et son parti ont livré au pouvoir de 2021 à 2024, se livrant à une virulente critique de l’action passée et récente de l’Occident, de l’Europe et de la France.
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« Vous n’avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qu’il s’est passé », a déclaré Ousmane Sonko. Il a accusé Emmanuel Macron d’avoir accueilli et « félicité » son homologue sénégalais « au pire [moment] » de la répression. « C’est une incitation à la répression, une incitation à la persécution et à l’exécution de Sénégalais qui n’avaient [commis d’autre] crime que d’avoir un projet politique », a-t-il déclaré. Beaucoup de gouvernements européens sont restés dans un « mutisme approbateur », a-t-il dit.
« Nous avons presque cru le président Macron »
Ousmane Sonko a précisé s’exprimer en tant que chef de parti et non du gouvernement, à l’occasion de cette conférence sur les relations entre l’Afrique et l’Europe avec Jean-Luc Mélenchon, virulent contempteur du président français. Après les « relations léonines au détriment des Africains », le Premier ministre a affirmé la volonté d’une coopération « fondée sur le respect mutuel et la reconnaissance des aspirations légitimes de chaque nation à la souveraineté. »
Ousmane Sonko a lui-même été emprisonné plusieurs mois et empêché de concourir à l’élection dont il était donné comme l’un des favoris. Il s’est fait remplacer par son second Bassirou Diomaye Faye, qui l’a emporté haut la main au premier tour contre Amadou Ba, le candidat désigné par Macky Sall.
Ousmane Sonko a dénoncé la « néocolonisation » à l’œuvre selon lui dans les relations entre l’Occident et l’Afrique. « Nous y avons presque cru lorsque le président Macron déclinait la nouvelle doctrine africaine de l’Élysée, cette nouvelle doctrine qui devait constituer au refus de tout soutien politique à des régimes autoritaires et corrompus. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé au Sénégal« , a-t-il déclaré.
Ousmane Sonko s’était signalé en tant qu’opposant par ses sorties contre l’emprise politique et économique que continuait à exercer l’ancienne puissance coloniale selon lui. Il a réaffirmé jeudi que son propos ne visait pas le « peuple français avec lequel nous n’avons aucun problème », mais « l’élite gouvernante actuelle ».
Il a assuré que ses positions ne changeaient pas avec l’accession au pouvoir de son camp. Celle-ci « nous amènera à collaborer avec tous les gouvernements, y compris l’État français et le gouvernement de Monsieur Emmanuel Macron ». La coopération devra prendre en compte la souveraineté du Sénégal dans le domaine monétaire, mais aussi sécuritaire.
Des sanctions « inadmissibles » contre les États du Sahel
« Nous devons nous interroger sur les raisons pour lesquelles l’armée française bénéficie toujours de plusieurs bases militaires dans nos pays et sur l’impact de cette présence sur notre souveraineté nationale et notre autonomie stratégique », a-t-il également déclaré.
La France a des implantations militaires à Dakar. « Je réitère ici la volonté du Sénégal de disposer de lui-même, laquelle volonté est incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères au Sénégal, a-t-il poursuivi. Ceci ne remet pas en question les accords de défense. »
Il a aussi fustigé les doubles standards de l’Occident et de ses alliés africains vis-à-vis des États du Sahel, théâtres de putschs depuis 2020 au Mali, Burkina Faso, et Niger. « Ceux qui aujourd’hui condamnent des régimes considérés comme des régimes militaires ou dictatoriaux sont pourtant enclins à aller dans d’autres pays qui ne sont pas démocratiques lorsque leur intérêt s’y trouve pour négocier du pétrole et du marché », a-t-il dit. Il a jugé « inadmissibles » les sanctions prises contre les juntes : « Nous ne lâcherons pas nos frères du Sahel. »
(avec AFP)
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