Et si, en Afrique de l’Ouest, l’idéal était le régime parlementaire ?
Dans une région où crises politiques et sécuritaires se succèdent, la transition vers des régimes parlementaires apparaît comme un palliatif au régime présidentiel qui, lui, pousse à une concentration des pouvoirs dommageable pour la stabilité et la prospérité des États.
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Joël Andriantsimbazovina
Agrégé des facultés de droit – Directeur de l’École doctorale Droit et Science politique de l’Université de Toulouse I-Capitole – Ex-membre du Comité consultatif constitutionnel de la République de Madagascar
Publié le 26 mai 2024 Lecture : 4 minutes.
En dépit de l’existence d’instruments juridiques qui interdisent, en principe, tout changement anticonstitutionnel et tout mode non-démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir et qui subordonnent cette accession à l’organisation d’élections libres, honnêtes et transparentes, l’Afrique de l’Ouest est bouleversée par de nombreuses crises politiques et sécuritaires. Ici et là, des coups d’État conduisent des juntes militaires au pouvoir, des violences meurtrières éclatent avant certaines élections, des actes terroristes se produisent dans certaines zones frontalières.
Coups d’État en Afrique
On assiste à un retour en arrière en matière de démocratie, de protection des droits fondamentaux et de modernité. Il nuit à la prospérité et au développement économique. Il dégrade l’image des pays concernés auprès des investisseurs et des bailleurs de fonds, et altère leur confiance. Comment, dans ces conditions, retrouver le chemin de la stabilité démocratique, gage de prospérité, de développement et de confiance ?
La cause principale de cette régression est généralement attribuée à l’absence d’alternance et au caractère présidentiel ou semi-présidentiel de la plupart des régimes en crise. Cette cause elle-même résulte de la tentation des présidents de la République de vouloir prolonger indéfiniment leur mandat en manipulant la Constitution de leur pays.
La verticalité de ce type de régime favorise la domination totale, par l’exécutif, du système politique et institutionnel. Elle provoque une fracture démocratique entre le camp présidentiel et les partis d’opposition, entre le régime et les citoyens. Elle conduit à des comportements irresponsables : exclusion et musellement de l’opposition d’un côté, boycott des élections et dénonciation systématique des actions du pouvoir de l’autre. Elle peut aller jusqu’à des révoltes populaires ou à des coups d’État.
Censées contribuer à sortir les États de cette spirale, les dispositions législatives et constitutionnelles destinées à limiter la durée ou le nombre des mandats du président de la République et à endiguer les changements anticonstitutionnels de gouvernement ont montré leurs limites. Quand elles ne sont pas violées impunément, elles sont contournées. Sans doute faudrait-il trouver une autre voie pour garantir la stabilité démocratique dans le respect de la séparation des pouvoirs et des droits fondamentaux.
L’exemple du Commonwealth
Rompre avec la verticalité du régime présidentiel ou semi-présidentiel est un chemin jusqu’ici peu exploré. Pourtant, le choix de l’horizontalité et de la transversalité institutionnelles et politiques méritent attention. Le passage d’un régime présidentiel ou semi-présidentiel à un régime parlementaire rentre dans ce cadre. Le régime parlementaire facilite la fluidité de la collaboration entre les pouvoirs exécutif et législatif ; il favorise un dialogue constant entre le Parlement et le gouvernement : la légitimité du second dépend de la confiance du premier ; il est facteur de souplesse et de plasticité pour surmonter les crises politiques par le biais d’élections anticipées. La logique du régime parlementaire peut être développée à tous les niveaux d’un État : municipal, régional et national. Elle est source de dialogue et de stabilité.
À cet égard, le modèle qui domine dans le Commonwealth attire le regard. Le système parlementaire y est largement privilégié. On peut comprendre que certains États francophones en quête de transversalité, de stabilité et de prospérité s’y intéressent. Certains, comme le Gabon et le Togo, ont sauté d’ailleurs le pas en 2022.
La Cedeao ne devrait pas être insensible à cette quête. L’échec relatif des instruments juridiques qui interdisent tout changement inconstitutionnel de gouvernement et tout mode non-démocratique d’accession et de maintien au pouvoir implique, de sa part, un certain pragmatisme. L’organisation pourrait être attentive au principe de subsidiarité et à la souveraineté des États membres en laissant à ceux-ci davantage de marge d’appréciation dans le choix de leur régime politique.
Droits de l’homme en Afrique de l’Ouest
Il apparaît ainsi légitime que les pays de la zone puissent prendre leur destin en main en se dotant de modèles de gouvernance respectueux de leur histoire et de leurs réalités socio-économiques, tout en veillant à obtenir l’assentiment de leur population et des différents acteurs politiques en présence, en engageant des débats inclusifs et ouverts, en organisant des élections pluralistes et transparentes.
L’adoption, en Afrique de l’Ouest, de systèmes parlementaires ayant démontré leur efficacité et leur caractère démocratique à travers l’Histoire pourrait s’accompagner de gains bienvenus en matière de respect de la démocratie, des droits de l’homme, de la séparation des pouvoirs, de l’État de droit et de la bonne gouvernance.
Ces gains seraient d’autant plus appréciables qu’un régime parlementaire permet aux partis politiques de mieux s’organiser afin d’assurer une meilleure représentation des différents courants d’opinion au Parlement. Dans les régimes présidentiels ou semi-présidentiels, l’éparpillement et l’éclatement des partis d’opposition nuisent à l’émergence de formations politiques suffisamment représentatives et capables dialoguer au sein du Parlement comme avec l’exécutif.
Proposer un système qui garantisse un ancrage démocratique durable à des citoyens résolus à prendre toute leur part dans les décisions qui intéressent leur avenir et celui de leur nation, loin des schémas institutionnels hérités d’un passé désormais révolu, n’est-ce pas la promesse d’un avenir apaisé ?
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