L’incroyable essor des banques africaines

Au cours de la dernière décennie, les revenus des groupes du continent ont bondi de 11,7 % par an en moyenne. Nouveaux profits, nouveaux défis : « Jeune Afrique » les passe au crible dans son hors-série « Spécial finance ».

Hors-série no 34, 124 pages, 6 euros (3000 F CFA dans la zone franc CFA). DR

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ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 14 octobre 2013 Lecture : 4 minutes.

En une décennie, les 200 premières banques africaines ont vu leurs revenus bondir de 263,7 % tandis que leur bilan cumulé grossissait de 172 %. Le produit net bancaire total des mastodontes financiers du continent a enregistré une croissance moyenne de 11,7 % par an. Celui-ci n’avait progressé « que » de 5,1 % en 2011 ; en 2012, il a repris son rythme de croissance à deux chiffres, avec 13,5 %. Extraits du dernier hors-série annuel de Jeune Afrique consacré à la finance – de la banque aux marchés financiers (lire encadré) en passant par l’assurance -, ces chiffres soulignent la progression forte et soutenue de l’activité bancaire sur le continent, malgré les difficultés des dernières années.

Clairement, l’expansion est loin d’être terminée. S’il a fortement augmenté dans plusieurs pays – dont le Maroc et le Kenya -, le taux de bancarisation n’est encore dans de nombreux États que d’un compte bancaire pour dix habitants. Les agences devraient notamment se multiplier pour couvrir au mieux les territoires urbains et périurbains. La société de conseil Devlhon Consulting estime ainsi que le réseau de succursales des grandes institutions africaines devrait croître de 46 % à 95 % d’ici à 2020, rappelle le hors-série « Spécial finance »…

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Les 200 premières banques africaines

Mais le continent est aussi un véritable lieu d’expérimentation commerciale. La division recherche d’Ecobank estime ainsi que les revenus tirés des services financiers sur mobile devraient passer d’environ 657 millions à 3,5 milliards de dollars (de 497 millions à 2,6 milliards d’euros) entre 2012 et 2017. L’incroyable succès de l’agency banking, qui consiste à proposer des produits bancaires via un magasin par exemple, est une autre preuve de ce dynamisme. Lancée en 2010 au Kenya, cette méthode de commercialisation y impliquait déjà 17 000 représentants début 2013, et certaines banques, comme Equity Bank, réalisent désormais davantage de transactions par ce canal que via les distributeurs automatiques de billets.

Offensive

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Jusqu’où ira l’expérimentation ? Difficile à dire, mais le cas de Société générale, qui a lancé en début d’année une filiale baptisée Manko, destinée notamment à bancariser les entrepreneurs du secteur informel, montre que l’offensive est lancée.

L’acquisition récente d’une banque (TN Bank) au Zimbabwe par un opérateur télécom (Econet), dont Jeune Afrique détaille les enjeux, fait frémir la profession. L’inquiétude est grande que le monde des télécoms, dont l’emprise sur le mobile banking est déjà importante, poursuive son offensive commerciale dans la finance. L’alliance récente entre Airtel et MicroEnsure dans la microassurance étant un élément supplémentaire à ajouter à ce dossier.

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Bourse, « private equity »… attention fragile

L’édition 2013 du « Spécial finance » dresse également le bilan de l’année 2012 dans les domaines des fusions-acquisitions, des opérations boursières, du capital-investissement et des levées de dette gouvernementale. Sur le terrain boursier, les opérations d’introduction se sont comptées sur les doigts d’une main l’année dernière. Le bilan est meilleur du côté du capital-investissement, mais l’activité, encore émergente, reste très dépendante de la réalisation ou non de quelques grandes opérations d’investissement. Enfin, en ce qui concerne les fusions-acquisitions, malgré la présence dans notre palmarès de quelques opérations non liées aux ressources naturelles (comme le rachat du distributeur spécialisé CFAO par le japonais TTC), ce sont bien ces dernières qui continuent à soutenir le marché. Et c’est toujours le cas en 2013. F.M.

Région par région, le dynamisme est très inégal, souligne en outre le hors-série « Spécial finance ». Le tableau général reste évidemment dominé par l’Afrique du Sud, où la véritable nouveauté est l’émergence rapide de nouveaux acteurs comme Capitec Bank, capables de menacer l’oligopole formé par les quatre grandes banques historiques du pays. À l’opposé, l’Afrique centrale semble largement à la traîne même si son total de bilan cumulé est celui qui a connu la progression la plus spectaculaire en 2012, passant d’environ 1,4 % à 1,8 % du total de bilan des 200 premières banques du continent.

Les autres régions sont marquées par l’émergence de groupes de plus en plus importants. Au Nord, les trois leaders marocains font désormais partie des dix premiers groupes africains, distançant les géants publics algériens, gavés aux pétrodollars mais peu dynamiques. En termes de revenus, Attijariwafa Bank est même clairement devenu l’un des cinq plus gros acteurs du continent. L’Afrique de l’Ouest compte quant à elle seize banques dans les cinquante premières ; parmi elles, la suprématie nigériane n’est contestée que par les deux poids lourds Ecobank et Bank of Africa. Les établissements kényans, qui disposent désormais de capitaux suffisants pour s’engager résolument dans la conquête panafricaine, pointent le bout de leur nez juste derrière.

Scandales

Cette croissance généralisée (marquée également par d’importantes acquisitions, comme celle d’Oceanic Bank par Ecobank au Nigeria ou celle de la Banque régionale de solidarité par Oragroup en Afrique de l’Ouest) pose toutefois de nouveaux défis. Avec à la clé de nécessaires changements dans les organisations, les équipements, la surveillance et la gouvernance.

Or à ce titre, rappelle le hors-série, les dernières années peuvent inquiéter. Si le secteur bancaire africain n’a connu aucune crise majeure, plusieurs scandales ont émaillé l’actualité. Des établissements publics tunisiens, qui ont financé les proches de l’ex-président Ben Ali, aux groupes nigérians, qui ont traversé une violente crise due au laxisme de la supervision, les exemples sont légion – sans parler des affaires de gouvernance qui ont perturbé la vie de trois groupes bancaires panafricains nés en zone francophone. Jeune Afrique s’interroge donc sur la solidité des banques africaines et la gestion des risques.

Retrouvez le hors-série « Spécial finance » sur la boutique en ligne de Jeune Afrique.

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