L’Algérie soumet officiellement à la France une liste de biens à lui restituer
Lors d’une nouvelle réunion de la commission mixte d’historiens, mise en place par Paris et Alger, une liste d’objets saisis durant la conquête et la période coloniale a été présentée par les Algériens. Leur restitution pourrait conditionner la visite en France d’Abdelmajid Tebboune prévue à l’automne.
Le spectre de l’émir Abdelkader, héros de la résistance algérienne, va-t-il compromettre l’agenda diplomatique entre la France et l’Algérie ? Après l’accueil de la délégation algérienne, le 25 janvier 2024 à Paris, c’était au tour des historiens français composant la commission mixte d’historiens mise en place par les deux pays de séjourner à Alger, les 22 et 23 mai, avec pour toile de fond le volet mémoriel de la visite du chef de l’État algérien prévue à l’automne prochain en France. La figure de l’émir s’est alors invitée dans les discussions.
Le communiqué final, publié quatre jours après la fin des travaux qui se sont déroulés au siège des Archives nationales à Birkhadem, indique que la partie algérienne a présenté officiellement « une liste ouverte de biens historiques et symboliques de l’Algérie du XIXe siècle, conservés dans différentes institutions françaises, proposés à la restitution à l’Algérie sous forme de gestes symboliques ». Avec un focus, précise Lacen Zeghidi, co-président de la commission mixte « sur les biens de souveraineté datant d’avant et après 1830 ».
Les missives, les effets militaires le sabre, le burnous, le canon et le coran ayant appartenu au chef emblématique de la résistance algérienne figurent parmi ces biens « symboliques » voués à être rendus à Alger.
L’émir Abdelkader avait vécu, de 1848 à 1852, en captivité au château royal d’Amboise après avoir mené la résistance des tribus de l’Ouest algérien à la colonisation française, laissant selon les estimations algériennes un important patrimoine sur place. Auquel s’ajoutent la clé et l’étendard de Laghouat, ville du sud-ouest algérien, lieu de plusieurs massacres, ainsi que les biens d’autres chefs de la résistance, à l’instar de la tente d’Ahmed Bey.
L’Algérie, qui fait de la récupération de ces biens restés en France une affaire de souveraineté et d’honneur, presse Paris d’apporter des preuves tangibles de sa bonne foi dans le règlement du dossier mémoriel. La partie française a déjà donnée, durant de précédentes rencontres, son accord de principe sur les restitution de ces objets, mais soutient que dans certains cas la procédure de restitution risque d’être compliquée, certains de ces biens appartenant à des collectionneurs privés.
La demande transmise à Emmanuel Macron
Dans le cadre de la réunion de la commission, l’Algérie a invité les historiens français membres à transmettre « ses préoccupations en matière de restitution des biens culturels, archivistiques et autres » directement à Emmanuel Macron. L’équipe de spécialistes français, précise le communiqué final, « accepte et s’engage à transmettre au président Emmanuel Macron la liste transmise par la partie algérienne, afin que les biens qui peuvent retrouver leur terre d’origine puisse l’être le plus rapidement possible ».
D’autres points liés aux archives, aux biens culturels et à des cimetières algériens en France remontant au XIXe siècle ont également été évoqués.
Cette cinquième réunion de la commission mixte d’historiens algériens et français en l’espace de un an s’est aussi accordée à « poursuivre et parachever la chronologie relative aux domaines militaire, politique, économique, social, culturel et humain au cours du XIXe siècle ». Un préprogramme de rencontres scientifiques, notamment consacrées aux archives, a été en outre proposé pour l’année universitaire 2024-2025. La prochaine rencontre entre les historiens des deux pays se tiendra en France au début du mois de juillet.
Lors de sa session plénière du 25 janvier dernier, aux Archives nationales à Paris, l’instance mise en place en 2023 par les chefs de l’État, Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron, avait soumis une série de mesures à prendre, en vue de traiter les contentieux liés à la mémoire et à l’histoire de la colonisation française de l’Algérie. Dans ce cadre, Alger a déjà pu récupérer deux millions de documents d’archives datant du XIXe siècle en version numérique et réclame désormais les originaux.
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