En Algérie, le procès de l’attaque terroriste d’In Amenas est repoussé à octobre

En 2013, l’attaque terroriste du site gazier d’In Amenas faisait 38 victimes civiles. Quatre jihadistes arrêtés à l’époque vont devoir répondre de leurs actes face à la justice. La partie civile espère aussi obtenir un éclairage sur les nombreuses zones d’ombre qui demeurent.

Des soldats algériens devant le complexe gazier de Tiguentourine, à In Amenas, près de la frontière libyenne, en janvier 2013. © RYAD KRAMDI / AFP

Des soldats algériens devant le complexe gazier de Tiguentourine, à In Amenas, près de la frontière libyenne, en janvier 2013. © RYAD KRAMDI / AFP

Publié le 28 mai 2024 Lecture : 4 minutes.

Onze ans après les faits, le procès de l’attaque terroriste d’In Amenas s’est ouvert le 27 mai à Alger. Mais quelques minutes à peine après l’ouverture de la première audience, la Cour d’assises a renvoyé l’affaire à sa prochaine session, qui aura lieu au mois d’octobre. En cause ? Une demande de report émise par Djaffar Bouhafsi, l’un des quatre terroristes accusés, car son avocat n’était pas présent dans la salle. Les juges ont donc accédé à cette requête et exigé qu’à l’avenir, tous les témoins ainsi que les représentants des parties civiles et de la défense soient présents aux audiences.

Pour rappel, au moins 700 employés, dont 130 expatriés de 26 nationalités différentes, travaillaient sur le site gazier de Tiguentourine, près de la ville d’In Amenas (située à proximité de la frontière libyenne), détenu conjointement par British Petroleum et de la Société algérienne de pétrole. Au petit matin du 16 janvier 2013, ce site a été attaqué par une quarantaine de jihadistes, membres du commando des Signataires du sang, dissident de l’organisation terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique.

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Opération menée par Mokhtar Belmokhtar

Ce groupuscule, basé initialement au Mali, a été lourdement armé et préparé en Libye une semaine avant l’attaque. Le tout sous la houlette du jihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar, tué dans un raid aérien en Libye, en 2015. Pendant quatre jours, du 16 au 19 janvier, ces terroristes ont pris en otage l’ensemble des salariés, en visant particulièrement les étrangers. Leur revendication ? La fin de l’opération Serval, une intervention militaire anti-jihadiste menée par la France au Mali et lancée quelques jours plus tôt. Les terroristes ont également menacé de faire exploser le site d’exploitation gazière.

Deux assauts musclés de l’armée algérienne, menés respectivement le 17 janvier puis le 19 janvier, ont permis de neutraliser 29 assaillants et d’en arrêter 4, de libérer les otages et de reprendre le contrôle de Tiguentourine. Les 4 terroristes arrêtés sont ceux-là même qui ont comparu devant la Cour d’assises le 27 mai, pour appartenance à un groupe terroriste armé, prises d’otage, homicides volontaires avec préméditation et guet-apens, et détérioration de biens de l’État. Un second dossier, concernant les jihadistes toujours en fuite, devrait lui aussi être jugé.

Au cours de l’attaque du site de Tiguentourine, 38 salariés ont perdu la vie. Si la majorité d’entre eux ont été tués par les jihadistes, le doute persiste parmi les survivants qui se demandent encore si certaines victimes ne sont pas des « dommages collatéraux » de l’opération de sauvetage conduite par les militaires algériens. C’est notamment le cas de la famille du logisticien français Yann Desjeux, qui était à bord du « convoi des terroristes ». Un groupe de jihadistes avait embarqué plusieurs otages étrangers à bord de 4×4 pour les ramener en Libye et exiger des rançons, et ce convoi a été neutralisé par les forces de sécurité algérienne à l’aide d’hélicoptères, qui ont massivement tiré sur les terroristes. Les circonstances de la mort de Yann Desjeux, et les véritables responsables, demeurent inconnues. Interviewée par RFI, la sœur de Yann, Marie-Claude Desjeux – qui s’est présentée à Alger en tant que partie civile –, a déclaré attendre des réponses « que nous n’avons toujours pas eues à ce jour ».

Failles sécuritaires, complices ?

L’autre grande question du procès concerne l’implacable préparation du commando jihadiste. Dans son livre témoignage In Amenas, histoire d’un piège (2014), coécrit avec le journaliste Walid Berrissoul, l’une des rescapées de l’attaque, Muriel Ravey, s’est longuement demandée comment un « tel massacre a-t-il été possible » ? D’autant plus que la sécurité du site gazier était continuellement assurée par l’armée, assistée notamment de drones.

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Interpellé par les nombreuses zones d’ombre, Florian Desjeux – le fils de Yann Desjeux – a lui aussi mené sa petite enquête dès 2013, faute de coopération entre l’Algérie et les neuf pays d’origine des ressortissants victimes de la prise d’otage. Le jeune homme a notamment révélé que de nombreuses revendications sociales et salariales, constamment ignorées, ont considérablement amoindri la sécurité du lieu. Le tout dans un climat délétère, où les salariés étrangers étaient régulièrement menacés par l’éco-système du site (chauffeurs de bus ou de voiture).

Florian Desjeux a également démontré que les terroristes sont arrivés sur les lieux avec des listes de noms, les coordonnées de certains salariés (notamment les Norvégiens), et une excellente connaissance du site. Ils ont d’ailleurs lancé l’attaque le jour où des représentants importants étaient présents. Cela implique-t-il des complices à l’intérieur ? Ces éléments ont poussé le parquet de Paris à ouvrir successivement plusieurs informations judiciaires, en 2014 puis en 2016, s’interrogeant notamment sur la responsabilité de British Petroleum dans les failles de sécurité. Pour autant, celles-ci semblent au point mort. La reprise du procès en octobre permettra-t-elle de faire toute la lumière sur ces tragiques événements ? L’avenir nous le dira.

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