Les tribulations d’un Polonais en RDC
Après une très lourde condamnation pour espionnage en RDC, un ressortissant polonais vient d’être libéré. Une histoire qui était, jusqu’à son dénouement, passée sous les radars.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 29 mai 2024 Lecture : 2 minutes.
Il est des histoires qui ressemblent à des blockbusters de série Z, jusque dans le scénario ni fait ni à faire. Sorte de remake de Tintin au Congo, le pitch des mésaventures de « Mariusz Majewski au Congo » n’explicite guère s’il s’agit d’une histoire d’espionnage international ou des tribulations d’un pied nickelé polonais. À moins qu’entre thriller et comédie, il ne s’agisse ni plus ni moins que d’une banale anecdote.
Accusations d’espionnage
En février dernier, Mariusz Majewski est arrêté en RDC. Appréhendé pour avoir « pris des photos » sans autorisation « de lieux sensibles et stratégiques » et pour avoir « observé secrètement des activités militaires », ce Polonais de 52 ans est alors accusé d’espionnage.
Dès le début, les versions officielles polonaises et congolaises sont on ne peut plus différentes. Pour Varsovie, Majewski n’est que le membre d’un club de voyageurs qui suivait sa « passion dans la vie ». Et le porte-parole du ministère polonais des Affaires étrangères de déclarer que le « comportement » du bourlingueur « innocent » n’était que « le résultat d’un manque de connaissance des coutumes locales ». Un coup de pied aux fesses aurait donc suffi.
Sur les nerfs en raison d’une insécurité persistante dans l’est du pays, Kinshasa livre un tout autre storytelling de ce scénario de bras cassés. Les procédures judiciaires contre Majewski évoquent une proximité, le long « de la ligne de front« , avec des membres de la milice Mobondo impliqués dans des violences intercommunautaires. Fin mai, on apprenait qu’après avoir finalement comparu devant un tribunal militaire congolais, l’imprudent Polonais était condamné à la prison à vie et désormais détenu dans un lieu secret.
Résolution rapide
Comme c’est souvent le cas dans ce genre de dossiers diplomatiques afro-européens, le caractère manifestement démesuré de chacun des scénarios n’a pas empêché une résolution rapide de la crise. La semaine dernière, le président polonais, Andrzej Duda, s’entretenait au téléphone avec son homologue congolais, Félix Tshisekedi. Rapidement, la perpétuité fut réduite de… la perpétuité, si l’on fait abstraction de l’incarcération préventive. Sur le réseau X, le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, poste une brève vidéo où il affirme souhaiter la bienvenue, au téléphone, à un Mariusz Majewski « de retour en Europe ». Où ? Pas plus d’informations sur le point de chute que sur l’ancien lieu de détention.
« Beaucoup de bruit pour rien », écrivait le dramaturge britannique William Shakespeare. Il aurait pu ajouter : « Beaucoup d’investissements judiciaires et diplomatiques ». Mais pas pour rien, du point de vue de la RDC, qui a besoin de démontrer la réalité d’implications étrangères dans ses crises à répétition.
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