Moines de Tibéhirine: la France était informée d’une éventuelle manipulation

Les services secrets français estimaient possible que le groupe islamiste auteur de l’enlèvement ait été manipulé. D’après un télégramme diplomatique, « d’importantes opérations militaires » ont été menés par l’Algérie au moment de la mort du massacre des moines, en mai 1996.

Publié le 20 novembre 2009 Lecture : 2 minutes.

La France était informée de l’éventualité d’une manipulation par les services algériens du groupe islamiste ayant revendiqué l’assassinat des moines de Tibéhirine en 1996 dans les semaines qui ont suivi leur enlèvement, selon des documents diplomatiques déclassifiés consultés jeudi par l’AFP.

Les sept moines français avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère près de Medea, ceinturé de maquis contrôlés par les groupes armés islamistes et où les tueries étaient alors fréquentes. Le GIA (Groupe islamique armé) de Djamel Zitouni avait revendiqué leur enlèvement le 26 avril et leurs têtes ont été découvertes le 30 mai.

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"Ils manipuleraient plus ou moins"

Dès le 8 avril, le directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères, Hubert Colin de Verdière, fait part dans une note au ministre d’un entretien avec le général Philippe Rondot de la DST, qui est en contact "très direct" avec la Sécurité militaire algérienne (SM).

"On ne peut exclure que les services algériens (. . . ) en sachent plus qu’ils ne le disent sur les intentions de Zitouni: on prétend qu’ils manipuleraient plus ou moins", relate M. Colin de Verdière.

Cette note, que l’AFP a consultée, fait partie du lot de 26 documents des Affaires étrangères déclassifiés par le ministère et dont l’avis a été publié jeudi au Journal officiel.

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Dans un point sur le dossier au 26 avril, le directeur-adjoint de cabinet du ministre, Philippe Etienne, affirme que les moines "sont détenus par un groupe proche de l’émir du GIA, Djamel Zitouni".

Rappelant "les interrogations souvent formulées sur les liens entre Zitouni et la sécurité algérienne", il rapporte des confidences du général Smaïn Lamari, chef de la SM.

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"Celui-ci qui considérait il y a peu encore D. Zitouni comme un élément plutôt commode, car fauteur de divisions au sein de l’opposition islamiste armée, semblait désormais le juger moins contrôlable", raconte M. Etienne.

Les diplomates français ne reprennent toutefois pas à leur compte cette hypothèse. Cette thèse a surgi au cours de l’enquête judiciaire, notamment par un adjudant en rupture de ban, Abdelkader Tigha.

Cette hypothèse est également avancée par un ancien avocat proche du FIS (Front islamique du salut) en contact avec l’ambassade à Alger et pour qui l’enlèvement avait été une "totale surprise".

Cet homme, dénommé Boukhalfa, soutenait que les auteurs de l’enlèvement avait été "inspirés par la sécurité militaire algérienne", rapporte dans un télégramme déclassifié, le premier conseiller de l’ambassade, Yvon Roe d’Albert le 29 mai 1996.

"Importantes opérations militaires"

L’avocat s’appuyait sur les confidences d’un officier "bien introduit dans les milieux du FIS", selon qui l’enlèvement visait à "soulever l’Eglise contre les islamistes" et qui avait "paru extrêmement embarrassé par l’annonce de la mort des moines".

Par ailleurs, un autre télégramme diplomatique du 28 avril fait état de l’assurance par les autorités algériennes "qu’aucune action militaire ni aucun bombardement ne seraient entrepris sur des zones dans lesquelles les moines seraient supposés être détenus".

Or un autre télégramme du 29 mai relate des informations selon lesquelles "d’importantes opérations militaires" s’étaient déroulées "dans la région du Medea entre le lundi 20 mai en début de matinée et le mercredi 22 au soir". Selon le communiqué du GIA, les moines avaient été tués le 21 mai.

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