Italie : des agents de la CIA condamnés pour l’enlèvement d’un imam égyptien

Des agents secrets américains et italiens avaient enlevé un imam égyptien en pleine rue, à Milan en 2003, dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». C’est la première fois qu’une telle condamnation est prononcée en Europe.

Publié le 5 novembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Pour la première fois en Europe, la justice italienne a condamné mercredi des ex-agents secrets américains et italiens pour le rapt d’un imam égyptien à Milan, mais a renoncé à poursuivre leurs chefs, protégés par le secret d’Etat ou une immunité diplomatique.

Les Etats-Unis se sont dits "déçus" par la sentence du tribunal de Milan au terme du tout premier procès pour les transfèrements secrets effectués par la CIA dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" après les attentats du 11 septembre 2001.

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8 ans de prison

Au total, 26 Américains étaient jugés par contumace et 7 Italiens pour le rapt en pleine rue à Milan le 17 février 2003 de l’imam Abou Omar, transporté ensuite secrètement depuis la base américaine d’Aviano en Italie vers une prison égyptienne, où il affirme avoir été torturé.

Le tribunal de Milan a condamné à 8 ans de prison l’ex-responsable de la CIA à Milan, Robert Seldon Lady, et 22 autres ex-agents américains à cinq ans de réclusion. Deux ex-agents italiens du Sismi (renseignement militaire), Pio Pompa et Luciano Seno, ont été condamnés à trois ans de prison.

En revanche, le juge Oscar Magi a abandonné les poursuites pénales contre l’ex-chef de la CIA en Italie, Jeff Rastrelli, contre l’ancien numéro un du Sismi, Nicolo Pollari, et son ancien adjoint de l’époque, Marco Mancini, ainsi que trois autres anciens agents secrets italiens.

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Tandis que M. Mancini se montrait visiblement satisfait du verdict, le colonel Seno a qualifié la sentence de "folie". "Comment se fait-il qu’eux soient relaxés et moi condamné?" a-t-il lancé.

Le procureur adjoint Armando Spataro, qui avait requis 13 ans contre MM. Rastrelli et Pollari, et des peines de 12 et 11 ans contre tous les autres accusés, s’est félicité d’une sentence clôturant un procès "difficile" débuté en juin 2007, estimant avoir réussi à "démontrer la vérité des faits".

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Condamnés à verser 1 million d’euros d’indemnité

Le juge Magi a fait valoir que les dossiers des cinq ex-responsables italiens étaient protégés par "le secret d’Etat" et que ceux-ci ne pouvaient donc pas être jugés. Le tribunal a également renoncé à poursuivre Jeffrey Castelli, et deux autres ex-agents, Betnie Madero et Ralph Russomando, car ils bénéficiaient d’une "immunité diplomatique" en tant que fonctionnaires américains à Rome, à l’époque des faits.

Le procureur n’a pas exclu de faire appel pour les accusés italiens en critiquant un "secret d’Etat défendu par deux gouvernements", celui de centre-gauche de Romano Prodi puis celui de droite de Silvio Berlusconi.

Le procès avait été reporté à plusieurs reprises, les gouvernements arguant que la divulgation de certaines pièces pouvait constituer une menace pour la sécurité nationale.

L’organisation humanitaire Human Rights Watch s’est réjouie du verdict. "Personne n’a été considéré comme innocent" et "le gouvernement italien a été jugé responsable d’avoir collaboré avec la CIA, ce qui est un jugement courageux pour un tribunal italien", a indiqué à l’AFP Joanne Mariner, une responsable de HRW. Elle a toutefois déploré "l’interprétation large du secret d’Etat faite par la Cour constitutionnelle" et le fait que l’immunité diplomatique puisse "protéger des auteurs de graves violations des droits de l’homme".

"Grâce au secret d’Etat, on ne saura jamais si notre pays a été impliqué dans des enlèvements illégaux, des tortures et des actions violant les lois internationales", a dénoncé Jacopo Venier, du Parti des communistes italiens (PDCI).

Le juge Magi a condamné tous les accusés reconnus coupables à indemniser l’ex-imam à hauteur d’un million d’euros et à verser 500.000 euros à son épouse.

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