Au Sénégal, Sonko se met la presse à dos
Devant les militants de son parti, le Pastef, le Premier ministre sénégalais s’en est pris à une presse accusée de diffusion de fausses informations ou d’incivisme fiscal.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 11 juin 2024 Lecture : 2 minutes.
Quand Ousmane Sonko avait rencontré Jean-Luc Mélenchon à Dakar, mi-mai, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) avaient dû expliquer que l’opposant français avait été invité par Sonko le chef de parti, et non par Sonko le Premier ministre. Des propos tenus par le leader sénégalais le 9 juin faisant grincer des dents, faudra-t-il préciser qu’il a formulé ses diatribes lors d’un rassemblement de militants du parti aujourd’hui au pouvoir au Sénégal ?
Outrances verbales
C’est en effet devant des milliers de jeunes du Pastef que le chef de gouvernement a mis à l’index des médias accusés de diffuser de fausses informations et de se rendre coupables de détournements de fonds publics en entretenant une dette fiscale.
En semblant établir un lien entre « ceux qui ont pillé les deniers publics » et les membres du secteur de la presse, Ousmane Sonko a-t-il tenu un langage de vérité conforme à l’esprit de rupture qui l’a conduit au sommet de l’État en tandem avec Bassirou Diomaye Faye ? Ou a-t-il oublié de se départir de sa casquette de chef de parti ? Même si la langue de bois pollue la politique, le Premier ministre devrait sans doute parler désormais avec moins d’outrance à l’ensemble des Sénégalais qu’il représente à travers son équipe gouvernementale.
Depuis de nombreuses années, les patrons de presse sénégalais demandent des mesures susceptibles de résoudre la crise financière qu’ils traversent. Ils évoquent les limites de leur modèle de financement – notamment dans sa dimension publicitaire – et réclament l’aide d’un nouveau régime qui a fait de nombreuses promesses, en ce qui concerne la lutte contre la vie chère et, plus globalement, l’assainissement de certains secteurs économiques. L’idée serait d’adopter une fiscalité spécifique pour les médias, au titre de leur « utilité publique ».
Populisme et boucs émissaires ?
Sans surprise, depuis les propos tenus dimanche, le microcosme des journalistes hurle au mépris, à l’usage opportuniste du concept de « patriotisme » et au populisme. Le président du Conseil des éditeurs de presse du Sénégal, Mamadou Ibra Kane, refuse d’être « insulté comme un bandit fiscal ». Certains journaux dénoncent une volonté de faire diversion en choisissant un bouc émissaire pour ne pas avoir à face à la difficulté de prendre des mesures concrètes, après le festival des promesses électorales.
Plus maladroits, des auteurs de publications, manifestement blessés, demandent à Ousmane Sonko de ne pas oublier ce que son parcours doit à la presse. Approche pour le moins incongrue, si l’on ne veut pas donner l’impression de réclamer un retour d’ascenseur.
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