Khalifa Haftar et ses fils renforcent leur emprise sur l’Est de la Libye

L’homme fort de l’Est de la Libye a récemment propulsé son cadet Saddam Haftar à la tête de ses forces terrestres, dernière en date d’une série de promotions de ses fils renforçant l’emprise du clan sur la Cyrénaïque, au risque de perpétuer la division du pays.

Le maréchal libyen Khalifa Haftar est arrivé le 26 septembre à l’aéroport militaire de Moscou. © GENERAL COMMAND OF THE LIBYAN NATIONAL ARMY (LNA) / AFP.

Publié le 15 juin 2024 Lecture : 3 minutes.

Le général Saddam Haftar, 33 ans, a pris début juin ses fonctions de chef d’état-major de l’armée de terre au sein des Forces armées arabes libyennes (LAAF) commandées par son père. Cette nomination, après celles de deux de ses frères à des postes-clefs, traduit selon des experts une volonté du maréchal Khalifa Haftar, 81 ans, de consolider le pouvoir de son clan dans l’Est et préparer la relève.

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Minée par les divisions depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye qui dispose d’abondantes réserves pétrolières, est gouvernée par deux exécutifs rivaux, l’un à Tripoli (Ouest) reconnu par l’ONU, et l’autre dans l’Est autour du camp Haftar.

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Des élections censées unifier le pays étaient prévues en décembre 2021 avant d’être reportées sine die. L’organisation de l’élection présidentielle bute depuis notamment sur le refus du camp de l’Ouest d’autoriser un militaire et un binational à se présenter, en l’occurrence le maréchal Haftar, citoyen libyen et américain.

Avant Saddam Haftar, son frère Khaled avait été nommé en juillet 2023 chef d’état-major des « unités de sécurité » au sein des LAAF et promu au rang de général de division. Et en février 2024, un autre des six fils de Haftar, Belgacem, avait pris les rênes du « Fonds de développement et de reconstruction de Libye » nouvellement créé, avec d’importants moyens à sa disposition.

Saddam Haftar, le fils le plus en vue

L’ascension des fils du maréchal Haftar « s’inscrit dans la continuité de ce qui a, dès le début, été une armée privée (…) et familiale au fur et à mesure que Haftar consolidait son pouvoir, décrypte pour l’AFP Wolfram Lacher, chercheur à l’institut allemand SWP. Le cercle restreint (…) qui contrôle les unités clés et les ressources de cet empire privé, ce sont ses fils mais aussi ses cousins, ses neveux, ses gendres. »

C’est clairement un signe de préparation pour le jour où Haftar disparaîtrait.

Wolfram LacherChercheur à l’institut allemand SWP

D’avril 2019 à l’été 2020, le maréchal Haftar avait tenté de conquérir la capitale avec l’appui des Émirats arabes unis, de l’Égypte et de la Russie, mais ses forces avaient été mises en déroute. Après ce revers cinglant, « on a assisté à une ascension rapide des fils (…) à travers les grades militaires, en dépassant en un rien de temps ce qui prenait des décennies à d’autres officiers, ce qui leur a attiré des moqueries », souligne Wolfram Lacher. « Mais depuis, à force de les voir dans les réseaux sociaux tous les jours, l’opinion publique libyenne a commencé à s’y habituer », ajoute-t-il.

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Selon lui, Saddam Haftar, le fils le plus en vue du maréchal, détient « le pouvoir militaire » mais contrôle aussi « la répression, la gestion des trafics, des détournements de fonds publics et la négociation des transactions louches avec les rivaux politiques à Tripoli ».

Haftar jugé « inapte » par ses alliés étrangers ?

Pour Khaled al-Montasser, professeur en relations internationales à l’université de Tripoli, Haftar, victime d’un AVC en 2018, « accélère la cadence » pour préparer la relève. Selon lui, ses alliés étrangers le jugent « inapte à diriger la Libye », d’où la nécessité d’injecter du « sang neuf », abonde l’analyste politique libyen Imad Jalloul. C’est « clairement un signe de préparation pour le jour où Haftar disparaîtrait, et où toute sa structure de pouvoir pourrait donc se trouver en danger », opine Wolfram Lacher.

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Tout en verrouillant le pouvoir, le clan Haftar s’efforce d’écarter, au prix d’une répression brutale, toute opposition dans l’Est et le Sud où des personnalités politiques, tribales et de la société civile sont arrêtées, disparaissent ou sont tuées, explique Imad Jalloul. Dernier exemple en date, la mort en avril du militant Siraj Doghman, lors de sa détention sur une base militaire de Haftar.

En décembre 2023, le colonel al-Mahdi al-Barghathi, ancien ministre de la Défense, et plusieurs de ses proches, accusés par le camp Haftar de faire partie d’une « cellule de saboteurs, avaient été arrêtés puis tués ». « Ce qui est affligeant à voir ces derniers mois, c’est que les diplomates occidentaux et onusiens ont commencé à légitimer cette structure de pouvoir familiale qui considère les deux-tiers du pays et des richesses de son sous-sol comme son domaine privé, en rencontrant publiquement les fils de Haftar », note Wolfram Lacher.

(Avec AFP)

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