Qui a (encore) peur du grand méchant Rassemblement national ?
Ni les opinions africaines ni la majorité des dirigeants du continent ne semblent effrayées à la perspective de voir l’extrême droite arriver au pouvoir en France.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 18 juin 2024 Lecture : 2 minutes.
Si l’actualité française de ce mois de juin, digne d’une série de Netflix, intéresse toujours une partie de l’opinion africaine, dans une zone jadis qualifiée de pré carré, les bookmakers du continent étudient davantage la cote de la France au Championnat d’Europe de football que celle des formations politiques hexagonales aux prochaines élections législatives.
Les organes de presse africains notent une certaine indifférence de leur lectorat à l’égard de la politique française, y compris dans la perspective – historique – de voir le prochain gouvernement « gaulois » dirigé par le Rassemblement national (RN), héritier de Jean-Marie Le Pen.
Sur les micro-trottoirs africains, deux positions s’expriment. Les uns pensent que le principe de realpolitik assouplira le bras RN tout comme il l’a fait, en Italie, pour une Giorgia Meloni Mussolini-friendly. Les autres, à l’instar d’Emmanuel Macron, considèrent que l’élection d’une majorité d’extrême droite – fût-elle dangereuse – aura le mérite d’apporter une « clarification idéologique ».
La dynastie Le Pen en Afrique
En réalité, et même si chaque dirigeant a son propre positionnement – comme, au Sénégal, l’attelage Faye-Sonko mélenchon-compatible –, le continent africain n’a pas toujours boudé la droite de la droite française. Du Front national au Rassemblement national, les Le Pen ont déjà été reçus sur le continent, de Jean-Marie au Gabon à Marine au Sénégal, même quand le fondateur du FN osait dire qu’il comptait sur « Monseigneur Ebola » pour « régler en trois mois » le « risque de submersion » migratoire venu d’un continent jugé trop fécond…
Et puis, un certain nombre de valeurs de la droite radicale se superposent assez aisément à celles que l’on vante largement en Afrique : culte de la famille, goût pour les démonstrations de virilité en politique, valorisation des cultures traditionnelles, frilosité à l’égard des droits des minorités sexuelles, complaisance avec laquelle on estime que les individus ont le droit de se faire justice eux-mêmes ou, encore, solidarité de proximité, un parent étant souvent préféré à un voisin, et un voisin de souche à un étranger.
Le grand-père kabyle de Bardella
Certes, les Africains adeptes de regroupement familial, dans les zones d’émigration, et les artistes friands de métissage culturel seront pour le moins émus par les éventuelles coupes dans l’aide au développement, par la suppression possible du droit du sol et par la réduction probable du nombre des visas accordés par la France. Mais les accointances entre Paris et l’Afrique ne sont-elles pas déjà réduites comme peau de chagrin, pour le plus grand bonheur, finalement, des idéologues néo-souverainistes ?
Pour les régimes sahéliens issus de putschs, par exemple, l’affrontement – courtois ou musclé – avec la France est un carburant pour la propagande. Plus le méchant héros d’un blockbuster est caricatural, meilleure est l’audience. Pour les panafricanistes, qui considèrent la France comme intrinsèquement méprisante à l’égard de l’Afrique, l’original « bardelliste » servira mieux la démonstration que la copie « macroniste », surtout si la nouvelle majorité a l’amabilité de remiser les leçons de morale.
En prime, les Africains découvriront peut-être que Jordan Bardella a un arrière-grand-père paternel africain, Mohand Seghir Mada, venu de Kabylie.
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