Au Niger, inquiétudes pour les journalistes après l’adoption d’une loi « liberticide »
Le général Tiani a durci la semaine dernière une loi réprimant la diffusion numérique « de données de nature à troubler l’ordre public ». Des peines de prison pourraient viser les journalistes.
L’ONG Reporters sans frontières (RSF) dit craindre « l’utilisation abusive » au Niger d’une loi réprimant la diffusion numérique de « données de nature à troubler l’ordre public » qui pourrait faire « emprisonner et censurer » des journalistes, dans un communiqué transmis mercredi à l’AFP.
Le brief. Les clefs de l'actualité africaine dans votre boite mail
Chaque semaine, recevez les 5 infos de l'actualité africaine décryptées par nos journalistes.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Adoptée en 2019, cette loi a été durcie il y a une semaine par une ordonnance du général Abdourahamane Tiani, au pouvoir depuis le coup d’État de juillet 2023. Elle réprimait déjà « la diffusion » numérique « de données de nature à troubler l’ordre public », la « diffamation » et les « injures » commises par voie « électronique », mais le général a rétabli des peines de prison, supprimées par le pouvoir civil en 2022, qui les avait remplacées par des amendes.
RSF craint une « utilisation abusive »
L’organisation RSF « alerte sur la possibilité d’une utilisation abusive de cette législation pour emprisonner et censurer les journalistes exerçant en ligne et demande son abrogation ». Selon l’ONG, la loi « permettra d’attaquer un journaliste comme un simple citoyen à partir du moment où ce qu’il dit est publié en ligne ».
Elle ajoute que « la diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine sera punie ‘même lorsque les données produites et diffusées sont avérées’ ». La loi modifiée par le général Tiani prévoit désormais une peine de prison de deux à cinq ans et une amende en cas de « diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine ». Elle prévoit également une peine d’emprisonnement de un à trois ans et une amende pour toute personne reconnue coupable de diffamation ou d’injures.
Des journalistes déjà inquiétés
« Ces dispositions liberticides confirment un grave recul de la liberté de la presse et illustrent jusqu’où la junte est disposée à aller dans l’instrumentalisation du droit pour réprimer les médias », a déclaré le directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF, Sadibou Marong.
Idrissa Soumana Maïga, directeur de L’Enquêteur, le plus important quotidien privé du Niger, « est détenu à la prison civile de Niamey depuis le 29 avril » et « poursuivi pour ‘atteinte à la défense nationale’ », affirme RSF, à la suite de ses révélations sur l’installation présumée d’équipements russes sur des bâtiments officiels.
En septembre et octobre 2023, la journaliste nigérienne Samira Sabou avait aussi été interpellée et détenue au secret, avant d’être mise en liberté provisoire et inculpée notamment pour diffusion de données de nature à troubler l’ordre public. Le Niger est 80e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse fait en 2024 par RSF.
(Avec AFP)
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...