En Algérie, les médias d’Ihsane El-Kadi définitivement fermés
C’est le triste épilogue de la condamnation, confirmée et alourdie en appel, du patron de Radio M et de Maghreb Emergent. Et un nouveau signe du durcissement du régime algérien, à trois mois de l’élection présidentielle.
« C’est la dernière bougie de la presse libre et de la liberté d’expression qui s’éteint en Algérie ». C’est ainsi que la Ligue Algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), elle-même dissoute en septembre 2022, a commenté la fermeture définitive de Radio M et du journal électronique Maghreb Emergent, dans un contexte de reprise en main de plus en plus autoritaire de la presse algérienne par le régime.
La nouvelle, annoncée par la rédaction dans un communiqué émouvant sur Facebook, intervient une semaine après la confirmation par la Cour d’appel, le 13 juin 2024, de la dissolution d’Interface Média, l’entreprise éditrice de Radio M et Maghreb Emergent. Interface Média a été également condamnée à dix millions de dinars d’amende et à dédommager l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) à hauteur d’un million de dinars
Jusque-là, les journalistes de Radio M et Maghreb Emergent ont résisté autant que possible, travaillaient dans une quasi clandestinité, le site web n’étant même plus accessible en Algérie depuis début 2023.
« Le chemin parcouru en 18 mois est significatif des efforts fournis et honore les femmes et hommes qui ont tant bien que mal maintenu un titre dont on pouvait penser qu’il allait disparaitre avec l’arrestation de son fondateur. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à une étape où nous considérons qu’il n’est plus possible de maintenir la publication de Radio M », lit-on dans le communiqué.
Ihsane El-Kadi, 65 ans, dirigeant de ce dernier groupe de presse indépendant, a été poursuivi une première fois et condamné à six mois de détention, mais non assortie d’un mandat de dépôt. Il avait été jugé à la suite d’une plainte de l’ancien ministre de l’Information et de la Communication, Ammar Belhimer, pour « diffusion de fausses informations à même de porter atteinte à l’unité nationale », « perturbations des élections », et « réouverture du dossier de la tragédie nationale » à la suite de son écrit publié le 23 mars 2021 sur le site Maghreb Emergent dans lequel il prônait l’inclusion du mouvement islamiste Rachad dans le Hirak.
Sept ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État
Le 29 décembre 2022, c’est finalement dans le cadre d’une enquête pour collecte illégale de fonds et atteinte « à la sûreté de l’État » qu’il est placé en détention, après quatre jours de garde à vue. Au lendemain de son arrestation, le siège de l’agence interface Médias est mis sous scellés et le matériel saisi.
Plus précisément, Ihsane El-Kadi est accusé « d’avoir reçu des sommes d’argent et des privilèges de la part de personnes et d’organisations dans le pays et à l’étranger afin de se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État et sa stabilité », selon l’énoncé du verdict. « Ces fonds s’élèvent à 25 000 livres sterling (environ 28 000 euros) que le journaliste a reçu, par tranches, de sa fille Tin Hinane, établie à Londres et actionnaire d’Interface Médias » a expliqué de son côté, sa défense. Pour cela, le patron de presse a été condamné en juin 2023 à sept ans de prison, dont cinq fermes. En octobre 2023, la Cour suprême a rejeté un pourvoi en cassation.
C’était l’ultime recours possible, ce rejet rend donc sa condamnation définitive, alors que tout accrédite, selon ses avocats, l’incarcération du journaliste en raison de ses opinions politiques. Il ne reste plus qu’une option pour qu’Ihsane El-Kadi ne recouvre sa liberté avant la fin de sa peine : la grâce présidentielle. Un espoir désormais infime avec la confirmation par la justice de la dissolution de son entreprise Interface Médias.
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