Au Kenya, la « génération Z » se révolte contre la création de nouveaux impôts

À Nairobi et dans tout le pays, la jeunesse kényane se mobilise contre un projet gouvernemental qui consiste à instaurer de nouvelles taxes. En ligne de mire, le président, William Ruto.

Manifestation antigouvernementale, à Nairobi, le 20 juin 2024. © Simon Maina/AFP

Manifestation antigouvernementale, à Nairobi, le 20 juin 2024. © Simon Maina/AFP

Publié le 21 juin 2024 Lecture : 3 minutes.

Sifflets ou vuvuzelas à la bouche et smartphones à la main, des milliers de jeunes Kényans ont manifesté, le 20 juin, à travers tout le pays, contre le projet de budget du gouvernement, actuellement débattu au Parlement, qui prévoit l’instauration de nouveaux impôts.

William Ruto contesté

Deux jours après une première manifestation, qui avait réuni quelques centaines de personnes à Nairobi, la mobilisation de la « génération Z » s’est étendue à tout le pays. Ce mouvement inédit était né une semaine plus tôt sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre politique.

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Baptisé « Occupy Parliament » (« Occuper le Parlement »), il a rassemblé autour du slogan #RejectFinanceBill2024 l’opposition à un projet gouvernemental qui consiste à créer une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers pour financer le budget 2024-2025.

Confronté à un mécontentement croissant, le gouvernement avait annoncé, le 18 juin, qu’il retirait la plupart des mesures fiscales prévues dans le texte, que le Parlement doit voter avant le 30 juin. Les manifestants demandent, eux, son retrait intégral.

Le 20 juin, ils ont défilé dans les bastions de l’opposition, à Mombasa (Est), Kisumu (Ouest), Eldoret (Ouest) dans la vallée du Rift d’où est originaire le chef de l’État, William Ruto, ou encore à Nanyuki, Nakuru, Nyeri (Centre) et à Kisii (Sud-Ouest).

À Nairobi, la manifestation, qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes, a été émaillée de quelques heurts. Des pneus et du mobilier urbain ont été brûlés.

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Plusieurs organisations, dont Amnesty International Kenya, ont affirmé dans un communiqué qu’au moins 135 personnes ont été arrêtées à travers le pays, et au moins 200 blessées dans la capitale. Sur X, la Croix-Rouge kényane a affirmé que huit d’entre elles se trouvaient dans un état grave.

On est en train de mourir, on ne peut même pas faire trois repas par jour. Ruto devrait partir. »

Jack Ouma, un manifestant

La tension était cependant moindre que lors des manifestations contre la vie chère que l’opposition kényane avait organisées en 2023 et qui avaient donné lieu à des affrontements meurtriers et à des pillages.

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Dans la capitale, les jeunes manifestants ont défié des heures durant, avec chants et danses provocatrices, les tirs de gaz lacrymogène et de canons à eau de la police. Sans jamais lâcher leurs smartphones pour faire des selfies ou diffuser des images de leur cortège en direct sur les réseaux sociaux.

« Nous, Génération Z, sommes la voix du peuple. C’est une chose à laquelle [le gouvernement] n’est pas habitué. Nous voulons qu’il nous entende. Ces impôts n’ont aucun sens. Nous sommes fatigués qu’on nous mente », lance Margaret, 23 ans, diplômée et sans emploi.

Bella, une étudiante de 22 ans, se méfie du gouvernement. « Ils essaient de nous mentir, les taxes qu’ils ont supprimées sur le pain, ils les ont ajoutées ailleurs », estime-t-elle.

« On est en train de mourir, on ne peut même pas faire trois repas par jour. Pourquoi devrions-nous respecter le gouvernement ? Que nous apporte-t-il de bon ? Ruto devrait partir », lance Jack Ouma, 28 ans, dans la ville de Kisumu.

Le Kenya endetté

Pour compenser ses annonces du 18 juin, le gouvernement envisage en effet d’augmenter la taxation sur les carburants et sur les produits exportés. Selon les opposants, cette mesure risque de grever le pouvoir d’achat, déjà affecté, en 2023, par la hausse de l’impôt sur le revenu et des cotisations de santé ainsi que par le doublement de la TVA sur l’essence.

Les manifestants comparent le chef de l’État – fervent évangélique, qui s’était fait élire, en août 2022, en promettant de défendre les plus modestes – à Zakayo (Zachée, en swahili), figure biblique du collecteur d’impôts.

Au Parlement, les débats sur le budget se sont poursuivis, le 20 juin, en session extraordinaire. Selon une source parlementaire, le vote final est prévu pour le 27 juin.

Le gouvernement justifie cette nouvelle ponction fiscale par la nécessité de redonner des marges de manœuvre au pays, lourdement endetté. Le Kenya, l’une des économies les plus dynamiques de l’Afrique de l’Est, a subi une inflation de 5,1% en l’espace d’un an (de mai 2023 à mai 2024). Selon la Banque centrale, les prix des produits alimentaires ont crû de 6,2% et ceux du carburant de 7,8%.

(avec AFP)

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