RDC : des minerais de sang aux minerais de paix

La prédation des minerais à l’est de la RDC continue de fragiliser le territoire. Pour le député national Samy Badibanga, il est temps que ces richesses naturelles, qui alimentent la transition énergétique mondiale, financent également le développement du pays.

Mineurs, mine de Mudere, dans la région de Rubaya, au Nord-Kivu, RDC. © Erberto Zani/REX Shutte/SIPA

Mineurs, mine de Mudere, dans la région de Rubaya, au Nord-Kivu, RDC. © Erberto Zani/REX Shutte/SIPA

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  • Samy Badibanga

    Sénateur, premier vice-président du Sénat et ancien Premier ministre de la République démocratique du Congo

Publié le 22 juin 2024 Lecture : 3 minutes.

Alors que la transition énergétique bat son plein dans les pays développés, les minerais qui alimentent cette transformation sont la cause d’un conflit qui ravage l’est de la République démocratique du Congo depuis trente ans. Il est urgent d’innover pour le financement de l’aide humanitaire et la reconstruction, par les investissements de développement minier et des infrastructures en RDC. Cela doit se faire par une taxe humanitaire internationale sur les smartphones, ordinateurs et batteries de voitures électriques, qui contribuerait à un trust fund [fonds de placement] « Minerais de paix », financé également par des contributions volontaires d’États intéressés et des grands acteurs de la digitalisation et de la transition énergétique.

Accélérateur de crises

Les priorités du Nord et du Sud sont aujourd’hui divergentes. La priorité de la RDC est son propre développement durable à partir de ses richesses nationales, qui exige de construire ses infrastructures essentielles. La priorité des pays développés, la lutte contre le changement climatique, doit maintenant rencontrer celle du Congo.

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La prédation des minerais à l’est de la RDC est la cause d’une crise humanitaire immense, que la transition énergétique des pays développés ne fait qu’accentuer. Avec plus de 10 millions de morts, 10 millions de déplacés, 25 millions de personnes en insécurité alimentaire, des milliers de femmes violées dans les camps de réfugiés, des millions d’enfants privés d’école, exploités dans les mines illégales ou recrutés comme enfants soldats… Point n’est besoin d’en rajouter, la situation est connue. Pour autant, la communauté internationale ferme les yeux, plongée dans une inertie consciente. Étant à la base du conflit, sa responsabilité est pourtant évidente et première.

Fillettes dans une mine de coltan à Kamatare, territoire de Masisi, Nord-Kivu, RDC, le 1er décembre 2018. © REUTERS/Goran Tomasevic

Fillettes dans une mine de coltan à Kamatare, territoire de Masisi, Nord-Kivu, RDC, le 1er décembre 2018. © REUTERS/Goran Tomasevic

Ni le règlement UE « minerai de sang » ni le Dodd Frank Act des États-Unis n’ont permis d’assurer la traçabilité de l’origine des minerais. Mais les consommateurs européens, américains et chinois ne savent-ils pas que chaque batterie de voiture électrique, smartphone ou ordinateur cause, chaque jour, la mort de femmes et d’enfants dans l’est du Congo ?

Trouver des solutions pérennes

Il s’agit aujourd’hui de trouver les solutions pérennes permettant d’atteindre trois objectifs d’intérêts mutuels, à traiter simultanément. Le premier est la paix et la sécurité dans l’est de la RDC, via un cessez-le-feu et le retrait des troupes étrangères. Le second est la résolution de la crise humanitaire. Le plan humanitaire ONU 2024 pour la RDC ne trouve pas son financement, à hauteur des 2,6 milliards de dollars nécessaires, un chiffre qui en dit long sur l’ampleur du désastre. Le troisième objectif est la reconstruction et le développement dans la paix. Il est temps que les richesses naturelles minérales du Congo, qui alimentent la transition énergétique mondiale, financent également son propre développement.

Pour mobiliser ces financements nécessaires, à l’instar de la taxe Chirac sur les billets d’avion, une taxe internationale devrait être prélevée sur les smartphones, ordinateurs et batteries de voitures électriques pour financer l’assistance humanitaire et la reconstruction des écoles, hôpitaux et routes détruits par le conflit de prédation minière imposé à la population congolaise. Les fonds collectés par cette taxe humanitaire financeraient alors l’aide humanitaire et la reconstruction de l’est du Congo, sous forme d’un trust fund « Minerais de paix » faisant appel à des engagements et contributions volontaires des grands acteurs privés de la transition énergétique et de la digitalisation.

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Car l’impératif est d’agir à plus long terme, par l’investissement, pour que l’exploitation, la commercialisation, voire la transformation aient lieu en RDC et non dans les pays voisins, prédateurs de minerais qu’ils n’ont pas sur leur sol. Il faut repenser l’ensemble de la chaîne de responsabilité et de valeur qui conduit aux sociétés internationales – telles que Tesla, Apple, Huawei… – et jusqu’ aux consommateurs. Personne ne peut aujourd’hui ignorer l’origine de ces minerais. Il est temps que ces minerais de sang deviennent les minerais du développement.

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