Abebe Bikila, dans la nuit du 11 septembre 1960, lors de l’arrivée du marathon des JO de Rome. The Ethiopian runner, Abebe Bikila at the finish line. Nighttime September 11, 1960 at the Olympic Games in Rome.  Bikila created a stir by running the marathon barefoot.
© KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO
Abebe Bikila, dans la nuit du 11 septembre 1960, lors de l’arrivée du marathon des JO de Rome. The Ethiopian runner, Abebe Bikila at the finish line. Nighttime September 11, 1960 at the Olympic Games in Rome. Bikila created a stir by running the marathon barefoot. © KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO

Photographie : 10 septembre 1960, Abebe Bikila remporte l’or olympique pieds nus sous les flashs

Chaque semaine en juillet et en août, Jeune Afrique vous présente une photographie iconique. Aujourd’hui, Sous les flashs des photographes, le coureur éthiopien Abebe Bikila bat le record du marathon.
NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 20 juillet 2024 Lecture : 3 minutes.

Nelson Mandela entouré de photographes dans sa maison de Soweto, le 15 février 1990, à Johannesburg. © Georges MERILLON/GAMMA-RAPHO.
Issu de la série

Cent ans d’Afrique en huit photos symboliques

Jeune Afrique vous propose, tout au long de l’été, de prendre chaque samedi le temps de décrypter une image iconique de l’histoire du continent.

Sommaire

CENT ANS D’AFRIQUE EN HUIT PHOTOS SYMBOLIQUES (3/8) – En mars 1896, près du petit village d’Adoua, dans le Tigré (Éthiopie), les troupes du Royaume d’Italie dirigée par le colonel Oreste Baratieri affrontent les soldats éthiopiens de l’empereur Ménélik II. La victoire historique de ces derniers marque la fin de la première guerre italo-éthiopienne.

Bien des années plus tard, le 5 mai 1936, depuis le balcon du Palais de Venise, le dictateur Benito Mussolini annonce à une foule de 200 000 personnes la prise d’Addis Abeba : « L’Éthiopie est italienne ! s’exclame-t-il. Italienne de fait, parce qu’occupée par nos armées victorieuses. Italienne de droit, parce qu’avec le glaive de Rome, c’est la civilisation qui triomphe de la barbarie, la justice qui triomphe de l’arbitraire cruel, la rédemption de la misère qui triomphe de l’esclavage millénaire. »

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L’occupation sera de courte durée : dès 1941, après la bataille de Keren, les Italiens sont boutés hors d’Éthiopie, qui demeure l’un des rares pays africains à n’avoir jamais été colonisé.

Une course aux chandelles pour les JO de Rome

En 1960, alors qu’ont lieu les 17e Jeux olympiques de l’ère moderne à Rome, la situation internationale est marquée par l’accès à l’indépendance de plusieurs pays du continent. Le 10 septembre, dans les rues de la ville, c’est une autre guerre qui se joue, toute symbolique. À 17 h 45, est donné le coup d’envoi de l’épreuve du marathon. Cette heure tardive a été décidée par les organisateurs pour épargner aux coureurs la chaleur étouffante de la journée. Le parcours, qui devrait se terminer de nuit quelque deux heures plus tard, sera en partie éclairé de torches brandies par des soldats italiens.

Pour l’ordre d’arrivée, on parie déjà sur le Marocain Rhadi Ben Abdesselam, sur le Russe Sergei Popov, peut-être même sur le Belge Aurèle Vandendriessche… Mais la foule amassée le long du parcours remarque vite un autre athlète. Porteur du numéro 11, il est vêtu d’un débardeur vert et d’un short rouge et jaune – les couleurs du drapeau éthiopien. Mais surtout, ce jeune homme noir de 28 ans à l’allure frêle (il fait 1 m 75 et ne pèse que 55 kg) ne porte pas de chaussures ! Il s’est élancé pieds nus pour 42 195 mètres de course ! Les mieux informés – ils sont rares – savent que ce jeune caporal est membre de la garde impériale du négus Hailé Sélassié Ier et qu’en mai, il s’est illustré dans son pays avec un temps remarquable sur le marathon, remporté en 2 heures 21 minutes et 22 centièmes. Son nom ? Abebe Bikila.

Une première pour un athlète d’Afrique noire

Tout au long de la course, les flashs des photographes sportifs saisissent sur le vif cet étrange africain qui colle au peloton de tête malgré ses pieds nus. Au 18e kilomètre, le Marocain Rhadi Ben Abdeslam accélère, laissant loin derrière lui une partie de ses concurrents… Mais pas Abebe Bikila. Entraîné par un coach suédois né en Finlande, Onni Niskanen, l’Ethiopien fils de Berger tient le rythme. Mieux ! À moins de deux kilomètres de la ligne d’arrivée, il accélère. Juste au niveau de l’Obélisque d’Axoum, volée à l’Ethiopie par les troupes fascistes. Derrière lui, Radi ne peut rien faire pour contrer l’attaque.

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Abebe Bikila franchit la ligne d’arrivée 200 mètres devant lui, avec 25 secondes d’avance, sous l’Arc de Constantin d’où sont parties, il y a un quart de siècle, les troupes de Mussolini qui allaient envahir son pays. Avec cette victoire éclatante, Bikila établit un nouveau record : 2 heures 15 minutes et 16 secondes, et devient ce jour-là le premier athlète d’Afrique noire à recevoir l’or olympique. De ce moment extraordinaire restent les images, pour la plupart anonymes, d’un homme courant pieds nus sous les flashes… Du sport, oui, mais pas seulement.

Quatre ans plus tard, Bikila renouvellera son exploit en remportant une nouvelle fois l’or olympique aux Jeux, avec un record de 2 heures 12 minutes et 11 secondes. Cette fois, il porte de chaussures et termine avec 4 minutes d’avance sur son premier concurrent. On apprendra plus tard qu’il a été opéré d’une appendicite aiguë un mois plus tôt.

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Immortalisée par une série d’images en noir et blanc, symbole d’une Afrique fière et victorieuse, la course d’Abebe Bikila a inspiré un livre au Français Sylvain Coher, Vaincre à Rome (Actes Sud, 2019- – roman par la suite adapté au théâtre. La vie d’Abebe Bikila, elle, prit un tournant dramatique le 22 mars 1969 quand un accident de la route le priva de l’usage de ses deux jambes. S’il se mit ensuite à la course en fauteuil et au tir à l’arc, sa carrière d’athlète paralympique fut de courte durée : il succomba en 1973, à l’âge de 41 ans, à une hémorragie cérébrale.

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