Égypte : l’augmentation du bilan des pèlerins morts à La Mecque fait enfler la polémique
Samedi 22 juin, le Premier ministre égyptien a annoncé le retrait des permis de 16 agences de voyage qui ont envoyé des pèlerins égyptiens d’une manière irrégulière en Arabie Saoudite, et le renvoi de leurs responsables devant la justice. La baisse des quotas attribués au pays et la hausse des prix sont également avancés pour expliquer le nombre des victimes.
Une hécatombe. Le bilan officiel des pèlerins décédés en Arabie Saoudite, ce lundi 24 juin, de 1 301 dont plus de 600 Égyptiens. Des chiffres communiqués par les autorités saoudiennes et, jusqu’à présent, non confirmés par Le Caire. mais une chose est sûre : le hajj de cette année, marqué par des températures caniculaires, a été particulièrement meurtrier. Et l’Égypte est le pays qui compte le plus grand nombre de victimes. Jusqu’à présent, les autorités n’ont annoncé que 28 morts parmi les pèlerins « réguliers ».
Plusieurs médias, citant des sources saoudiennes, évoquent 658 pèlerins égyptiens décédés. Pour en savoir plus et pouvoir informer les familles, le ministère égyptien des Affaires étrangères a envoyé une mission pour inspecter les hôpitaux et les morgues afin d’identifier leurs concitoyens morts, blessés ou malades.
Face à l’émoi provoqué par ces nombreux décès, le gouvernement égyptien a aussi accusé directement des agences de tourisme et des agents indépendants d’avoir causé ces morts en envoyant irrégulièrement les pèlerins en Arabie Saoudite. Le Premier ministre, Mostafa Madbouli, a créé une cellule de crise pour suivre et gérer la situation. Il a également annoncé le lancement d’une enquête contre « toute entreprise ayant organisé le voyage de ces pèlerins, en dehors des cadres réglementaires, et sans fournir les services logistiques », selon un communiqué publié à la suite du Conseil des ministres du 20 juin.
La baisse du quota de l’Égypte et la hausse des prix du hajj
« Les voyages irréguliers des pèlerins égyptiens se sont multipliés ces dernières années. Les personnes qui désirent accomplir le hajj sans avoir l’argent suffisant pour voyager, cherchent un agent appelé ‘Simsar’ ou une agence de voyage qui peut leur fournir un visa de voyage en Arabie Saoudite plutôt qu’un visa « spécifique » du hajj. Ces personnes partent quelques jours avant la saison du pèlerinage et vivent dans des logements pas loin des lieux saints. Quand le rituel commence, elles tentent de rejoindre les autres pèlerins réguliers qui sont allés avec un visa du hajj”, explique à Jeune Afrique Bassel al Sissi, membre de l’assemblée générale de la Chambre des agences de tourisme.
« L’Égypte, ajoute-t-il, a vu son quota de pèlerins réguliers autorisés à faire le hajj réduit d’environ 50%. Cette année, Seul 45 000 Égyptiens ont été acceptés, contre au moins 70 000 les années précédentes. »
De plus, cette baisse du quota pour l’Égypte intervient alors que le prix du hajj régulier a fortement augmenté. « Une raison essentielle derrière le phénomène des pèlerins irréguliers est la pauvreté, explique Said Sadek, professeur en politique sociale à l’Université Egypt-Japan du Caire. Un pèlerin régulier doit payer au moins 200 000 à 250 0000 livres égyptiennes (4 000 à 5 000 euros) pour avoir un visa du hajj. C’est une grosse somme pour les Égyptiens, fortement touchés par une crise économique sévère et une dévaluation continue de leur monnaie. Ils recourent alors à un agent ou à une entreprise qui accepte une somme de 60 000 à 150 000 LE. Mais ces derniers ne proposent aucun service. »
Selon Bassel al-Sissi, les pèlerins irréguliers ne bénéficient, par exemple, pas d’un accompagnateur tout au long du processus du hajj, et n’ont pas de logement réservé, de moyen de transport, ou d’assurance médicale. Ils effectuent le hajj à pied et dans des conditions climatiques extrêmement dures. Le 9 mai, le ministère du Tourisme et des Antiquités a déjà annoncé avoir démantelé 104 entités illégales qui vendaient des programmes du hajj et de l’Oumra en violation de la loi égyptienne. Selon le ministère, ces sociétés « escroquent les citoyens, en collectant d’énormes sommes d’argent tout en offrant des services de qualité inférieure. »
L’Arabie saoudite aurait expulsé 300 000 pèlerins irréguliers
À La Mecque aussi, le nombre de ces pèlerins irréguliers constitue un cauchemar pour les autorités, qui organisent les services proposés en fonction du nombre de visiteurs officiellement déclarés. Le 8 juin, quelques jours avant le début du hajj, l’Arabie Saoudite a annoncé avoir expulsé de La Mecque 300 000 personnes se trouvant dans la ville sans visa spécifique du hajj. La grande majorité de ces personnes était de nationalité égyptienne, selon le vice-président de l’Union des Égyptiens en Arabie Saoudite, Adel Hanafy.
« Les sociétés qui vendent ces voyages sans passer par la procédure régulière cherchent à tirer profit des rêves des personnes pauvres, en organisant leur voyage en Arabie Saoudite sans services ni protection. Ils exploitent l’ignorance de ces gens qui veulent accomplir le hajj une fois dans leur vie. Ces gens sont souvent âgés et ne sont pas en bonne santé”, précise Said Sadek.
Tandis que l’exécutif égyptien veut faire le ménage parmi les agences de voyage, la Chambre des agences de tourisme a annoncé la suspension de tout visa vers les lieux saints en Arabie Saoudite, si le séjour vendu ne comprend pas la présence d’un accompagnateur.
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