Nelson Mandela (à g.) et sa femme Winnie, poings levés après leur libération de la prison Victor Verster, près du Cap, en Afrique du Sud, le 11 février 1990. © Greg English/AP/SIPA.
Nelson Mandela (à g.) et sa femme Winnie, poings levés après leur libération de la prison Victor Verster, près du Cap, en Afrique du Sud, le 11 février 1990. © Greg English/AP/SIPA.

Photographie : 11 février 1990, la libération de Nelson Mandela immortalisée par Greg English

Chaque semaine en juillet et en août, Jeune Afrique vous présente une photographie iconique. Aujourd’hui, la libération de Madiba vue par le photographe sud-africain.
NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 10 août 2024 Lecture : 3 minutes.

Nelson Mandela entouré de photographes dans sa maison de Soweto, le 15 février 1990, à Johannesburg. © Georges MERILLON/GAMMA-RAPHO.
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Cent ans d’Afrique en huit photos symboliques

Jeune Afrique vous propose, tout au long de l’été, de prendre chaque samedi le temps de décrypter une image iconique de l’histoire du continent.

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CENT ANS D’AFRIQUE EN HUIT PHOTOS SYMBOLIQUES (6/8) – Entre la photo prise par Abbas en 1978 dans l’école de police d’Hammanskraal et celle-ci, douze années se sont écoulées. En Afrique du Sud, le régime d’apartheid en vigueur depuis 1948 vit ses derniers jours. Arrivé au pouvoir le 15 août 1989, le président Frederik de Klerk (1936-2021) commence, sous pression de l’African National Congress (ANC) et de la communauté internationale, à mettre en place les réformes qui conduiront à la fin du régime ségrégationniste.

Au début de février 1990, l’interdiction de l’ANC est levée et la libération de Nelson Mandela annoncée. Aussitôt, c’est le branle-bas de combat dans les rédactions : le plus célèbre opposant à l’apartheid, sous les verrous depuis vingt-sept ans, va enfin retrouver l’air libre !

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Sud-Africain âgé de 32 ans, photographe professionnel depuis 1980, Greg English travaille pour l’Associated Press (AP) à Chypre quand il reçoit la demande de se rendre en Afrique du Sud pour couvrir cette libération. Ce n’est pas un débutant, il a notamment reçu deux prix importants en 1986 : l’AP Award for excellence in news photography, ainsi qu’un Word Press Award. Le jeune homme s’envole aussitôt pour le sud du continent, sans trop savoir comment il pourra être au bon moment, au bon endroit. C’est que, à l’heure où il embarque, personne ne sait exactement où Mandela est détenu.

Ruée vers la prison Victor Verster de Paarl

« Les choses étaient tellement imprévisibles, raconte Greg English au site Photographer Amateur. Je n’ai pas dormi pendant cinq jours ! » L’information finit tout de même par circuler : Nelson Mandela devrait, si tout se passe bien, franchir, le 11 février en début d’après-midi, les portes de la prison Victor Verster de Paarl (Western Cape). Il s’y trouve depuis trois ans.

Aussitôt, c’est la ruée. Équipe de télévisions, journalistes, photographes, tous se précipitent vers la petite ville située au nord-ouest du Cap. Personne ne sait vraiment à quoi ressemblera Mandela après toutes ces années passées derrière les barreaux… Enfin, en début d’après-midi, les portes s’ouvrent et l’homme apparaît, cheveux grisonnants. Greg English dispose d’un Canon 35 mm SLR et d’un objectif 300 mm f/2,8. Il peut prendre une photo de loin, mais la situation est plutôt compliquée.

« C’était très excitant, raconte encore le photographe. Tout le monde jubilait. Quand nous l’avons vu apparaître en chair et en os, nombre d’entre nous ont fondu en larmes, parce que nous ne pensions pas que cela arriverait un jour. Nous étions à l’opposé du portail de la prison et nous pouvions voir Nelson [Mandel] et [sa femme] Winnie marcher vers nous. C’est devenu un véritable cauchemar pour les photographes, car nous étions parqués debout dans un espace fermé et que la foule affluait de partout, bloquant la vue, les gens commençaient à pousser et à se bousculer, c’était un chaos complet. »

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Moment iconique

Dans ce genre de situation, rester calme et concentré n’a rien d’évident. « Soudain, j’ai eu une vue dégagée et j’ai pu prendre environ six clichés. Sur le moment, je ne savais même pas si je l’avais eu dans le viseur ou si quelqu’un était passé devant mon objectif au moment décisif. » C’est plus tard – l’ère du numérique n’est pas encore arrivée –, en éditant les images, qu’une photographie ressort. On y voit Nelson Mandela et Winnie Mandela main dans la main, poing levé, la foule derrière eux, le soleil dans le dos. L’Associated Press diffuse aussitôt l’image à travers le monde, recadrée : si l’on peut voir les poings levés, il n’est plus possible de remarquer que Nelson et Winnie se donnent la main.

Greg English intervient alors auprès de son employeur afin que la photographie soit recadrée différemment. « À l’époque, Winnie Mandela était un roc pour l’ANC et une personne puissante, poursuit-il dans Photographer Amateur. Elle a été considérée différemment plus tard, mais je crois que la décision était bonne de garder les mains dans l’image. » Comme quoi, une photographie peut raconter une même histoire différemment…

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Aujourd’hui encore, Greg English chérit ce moment : « J’ai conscience d’avoir été le témoin d’un événement iconique qui a donné de l’espoir pour l’avenir à des millions de personnes, et pas seulement aux Sud-Africains. J’aime toujours cette image et l’unité de ce qu’elle représente. »

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