Kenya : plusieurs dizaines de morts lors des manifestations antigouvernementales

La prise d’assaut du Parlement par des opposants au projet de budget de William Ruto a été marquée par une répression sanglante, a dénoncé Human Rights Watch. Les autorités n’ont communiqué aucun bilan.

Des proches d’Ibrahim Kamau, jeune homme de 19 ans tué lors de la manifestation du 25 juin à Nairobi, accompagne son cercueil, le 28 juin 2024. © Tony KARUMBA / AFP.

Des proches d’Ibrahim Kamau, jeune homme de 19 ans tué lors de la manifestation du 25 juin à Nairobi, accompagne son cercueil, le 28 juin 2024. © Tony KARUMBA / AFP.

Publié le 29 juin 2024 Lecture : 2 minutes.

Au moins trente personnes ont été tuées le 25 juin lors des manifestations antigouvernementales au Kenya, a affirmé ce 29 juin Human Rights Watch, le bilan le plus lourd rapporté sur cette journée de mobilisation qui a tourné au bain de sang.

« Tirer directement sur la foule sans justification, y compris lorsque des manifestants tentent de fuir, est totalement inacceptable au regard du droit kényan et international », a déclaré dans un communiqué Otsieno Namwaya, directeur associé de HRW pour l’Afrique.

la suite après cette publicité

Un précédent bilan de l’organisme officiel de protection des droits humains (KNHRC) a fait état de 22 personnes tuées dans le pays. Le Groupe de travail de réformes de la police, regroupement d’ONG locales dont la branche kényane d’Amnesty International, a affirmé avoir dénombré, au soir du 25 juin, 23 morts « causés par des tirs de la police ».

Le Parlement pris d’assaut

Les autorités n’ont communiqué aucun bilan de cette journée, marquée notamment par la prise d’assaut du Parlement par des manifestants peu après que les députés eurent voté un projet de budget 2024-25 décrié instaurant des hausses de taxe. Au lendemain de cette journée meurtrière, le président William Ruto a annoncé le retrait du projet de budget et appelé à une concertation avec la jeunesse, à l’origine de cette contestation qui a ensuite gagné le pays.

HRW a élaboré son bilan sur la base « de témoignages, d’informations accessibles au public, de registres hospitaliers et mortuaires », chiffrant à 31 le nombre de tués. Ses enquêteurs ont notamment vu 26 corps de manifestants dans différentes morgues de Nairobi, et d’autres recherches « montrent que la police a tué au moins trois personnes dans la ville d’Eldoret, une personne à Nakuru et une à Meru », détaille HRW dans un communiqué.

Comme plusieurs autres ONG, elle accuse la police d’avoir tiré à balles réelles sur la foule, notamment devant le Parlement, et appelle « les autorités kényanes à enquêter rapidement mais de manière crédible et transparente sur les abus commis par les forces de sécurité ».

la suite après cette publicité

Mobilisation via les réseaux sociaux

HRW rapporte également le témoignage d’un militant de protection des droits humains affirmant que 22 personnes ont été tuées par des « militaires » à Githurai, à une vingtaine de kilomètres au nord de Nairobi. Selon ce militant, « huit officiers militaires […] ont ouvert le feu sur les gens » et « ont tué plusieurs personnes, dont des personnes qui ne participaient pas aux manifestations ». « Lorsque les militaires ont arrêté de tirer sur les gens, nous avons confirmé qu’il y avait au moins 22 morts », a-t-il déclaré, cité par HRW, ajoutant que « les tirs des militaires, rejoints par la police, ont repris à 22 h et se sont poursuivis jusqu’à 23 h ».

Après deux manifestations largement pacifiques les 18 et 20 juin, la troisième journée du mouvement « Occupy Parliament » (« Occuper le Parlement »), lancé sur les réseaux sociaux pour s’opposer au projet de budget 2024-25 du gouvernement dirigé par le président William Ruto prévoyant l’instauration de nouvelles taxes, a viré au bain de sang.

la suite après cette publicité

Cette contestation a fortement mobilisé au sein de la « Génération Z » (jeunes nés autour de l’an 2000), avant d’entraîner dans son sillage des Kényans de tous âges. Le mot d’ordre antitaxes est devenu antigouvernemental, aux cris de « Ruto must go » (« Ruto doit partir »). Ce projet de budget a cristallisé un plus large mécontentement de la population, alors que la dette publique du Kenya s’élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d’euros), soit environ 70 % du PIB.

(avec AFP)

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires