Législatives françaises : vers une politique désafricanisée ?
À l’issue du premier tour des législatives françaises, l’extrême droite a un pied dans l’entrebâillement de la porte de Matignon. Sous le regard moyennement intéressé d’une Afrique qui intéresse elle-même moyennement le Rassemblement national…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 1 juillet 2024 Lecture : 2 minutes.
À l’issue du premier tour des élections législatives françaises, le Rassemblement national (RN) n’est pas encore garanti de tenir, d’ici quelques semaines, le gouvernail du pays. La compilation des résultats de ce 30 juin confirme son statut de première force politique de France et le deuxième tour de scrutin, prévu dimanche prochain, ne devrait pas contredire cet état de fait. Pourtant, en quête de contrôle des principales manettes de gouvernance, le parti de Marine Le Pen devra composer avec les questions d’arithmétique nationale et leurs effets psychologiques, avec la mécanique électorale et ses désistements éventuels d’adversaires, avec l’imprévisible dynamique de campagne et avec, au final, l’arithmétique locale, dans les circonscriptions qui n’ont pas plié le match dès le premier tour.
La probabilité d’une majorité relative du RN est forte. Pour le parti de Jordan Bardella, c’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Ce serait une victoire inédite à l’échelle de la Ve République. Par contre, si la « Macronie » a pu gouverner sans majorité absolue pendant deux ans, c’est parce que sa position centrale sur l’échiquier politique dissuadait toute motion de censure commune de l’extrême droite et de la gauche. Un gouvernement d’extrême droite, lui, pourrait être rapidement « décagnotté » à l’Assemblée par une majorité absolue, même de circonstances.
Dans ce capharnaüm, l’Afrique doit-elle se sentir concernée par l’amplitude de la victoire annoncée du RN ?
Chacun voit RN à sa porte
Sans doute les néo-souverainistes du continent gloussent-ils d’aise devant la perspective d’un gouvernement français lui-même souverainiste – gouvernement qui, même hostile, apporterait de l’eau à leur moulin idéologique. Sans doute certains régimes africains francophiles s’inquiètent-ils de l’évolution politicienne chez leur ancien colon. Ceci étant, l’Afrique – subsaharienne en particulier – est plutôt un angle mort du programme de Jordan Bardella. En matière de propositions, il faut se référer à celles de Marine Le Pen, à l’occasion de la présidentielle de 2022, notamment l’esquisse d’une sorte de Commonwealth à la française qui porterait le nom d’« union francophone ».
En dehors du relent d’empire que pourrait diffuser ce projet, la place de l’Afrique dans le programme de l’extrême droite française est celle du « moins » : sur le continent, moins de dépenses en matière de politique de développement ; en France, moins de présence africaine et moins de droits conférés à cette dernière.
Obsession migratoire
Le mantra du possible Premier ministre Jordan Bardella reste le contrôle des flux migratoires, en particulier de ceux en partance du continent africain. Le président du RN devrait tenter de réduire les entrées sur le territoire national, de limiter le regroupement familial, de compromettre le droit du sol, de faire exécuter davantage les OQTF (« obligations de quitter le territoire français »), de refuser l’aide médicale d’État (AME) aux sans-papiers et d’empêcher les binationaux d’accéder à certains emplois publics jugés « stratégiques ».
Pour le reste, comme de bien entendu, l’extrême droite devra jouer le jeu du bilatéralisme. Côté Afrique du Nord, Bardella voudrait remettre en cause l’accord migratoire scellé entre la France et l’Algérie en 1968. Côté Afrique subsaharienne, Marine Le Pen considérait « le Sénégal, le Gabon, le Niger, la Guinée, le Tchad » comme des « pays historiquement amis ». Le curseur affectif devra tenir compte de la récente vague de putschs ou de scrutins de rupture…
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