La Françafrique pointée du doigt après l’élection gabonaise
Alors que des troubles persistent au Gabon après l’élection controversée d’Ali Bongo pour succéder à son père en tant que chef de l’Etat, Paris n’a rien trouvé « à redire » au résultat du scrutin, s’attirant les foudres des opposants à la « Françafrique ».
La France a déclaré vendredi n’avoir pas grand chose à redire sur le processus électoral contesté qui, au Gabon, a porté Ali Bongo Ondimba à la succession de son père, Omar Bongo, au risque de s’attirer les accusations de perpétuer les vieux usages de la "Françafrique".
Le Gabon, riche en pétrole et en minerai, est un pays clé de l’influence française en Afrique. Il est aussi l’un des derniers symboles de cette "Françafrique", terme qui recouvre un ensemble de relations opaques, politiques, d’affaires, voire d’affairisme, nouées par la France avec ses anciennes colonies.
Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a réaffirmé vendredi la position officielle de neutralité de Paris dans ce scrutin. Mais il a en même temps rendu un hommage appuyé aux autorités gabonaises pour l’organisation de ce scrutin qui, après 41 ans de règne d’Omar Bongo et de relations étroites avec la classe politique française, consacre le contrôle d’une famille sur le pays.
"Il y a eu très peu de retard dans la préparation et le déroulé des élections, tout ça s’est fait au grand jour, la France n’est pas intervenue, la France n’avait pas de candidat, la France n’a pas de candidat", a-t-il souligné sur la radio RTL.
"La France acceptera le résultat des élections les plus contrôlées possible", a-t-il ajouté, se référant aux missions d’observation du scrutin qui "se sont déclarées satisfaites".
Dénonciation de fraudes
La mission de l’Union africaine a jugé que les opérations électorales s’étaient déroulées "conformément aux dispositions légales", mais elle a relevé des "irrégularités" et des "faiblesses".
Les adversaires d’Ali Bongo ont dénoncé des fraudes massives. "C’est un coup d’Etat électoral", a lancé l’ex-ministre André Mba Obame, arrivé deuxième du scrutin, selon les résultats officiels qui donnent à Ali Bongo 41,73% des suffrages.
La France ne s’est pas prononcée sur les allégations de fraude. "S’il doit y avoir des contestations, il faut que ça se fasse devant les institutions qui sont prévues pour ça", c’est-à-dire la Cour constitutionnelle gabonaise, a déclaré le secrétaire d’Etat à la Coopération, Alain Joyandet.
L’Association Survie, qui milite pour "l’assainissement des relations franco-africaines", a dénoncé vendredi "un coup de force qui vise à prolonger la mainmise du clan Bongo sur le pays, avec la bénédiction de la France".
"A force de vouloir figer le pouvoir gabonais aux mains d’un clan (…), la France s’aliène la majorité du peuple gabonais", estime-t-elle, en rappelant la promesse du président Nicolas Sarkozy de "rupture" avec la Françafrique.
La diaspora indignée
A Paris, les Gabonais de la diaspora se sont aussi indignés, dans un communiqué, des réactions françaises au scrutin, "légères, conservatrices, françafricaines, et sans fondement".
En France, l’opposition socialiste a fait part de son "étonnement".
Un homme concentre les critiques. Il s’agit de l’avocat franco-libanais Robert Bourgi, souvent qualifié de gardien des secrets de la "Françafrique". Il se présentait récemment lui-même, dans le journal Le Monde, comme "un ami très écouté" de Nicolas Sarkozy et ajoutait qu’Ali Bongo était "le meilleur défenseur des intérêts français dans tous les domaines".
Les autorités françaises jugent par ailleurs assez limitées pour l’instant les contestations violentes qui ont suivi la proclamation des résultats et qui ont visé des intérêts français.
A la présidence française, on se disait vendredi "pas du tout inquiet" et on confirmait que Paris attendrait "la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle" pour adresser un message de félicitations.
La France dispose d’un millier de militaires au Gabon, et environ 10.000 Français y sont établis.
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