Semenya et Simelane: deux destins pour deux femmes sud-africaines

Loin du patriotisme de millions de Sud-Africains célébrant le retour au pays de la championne d’athlétisme Caster Semenya, le procès des meurtriers d’Eudy Simelane, footballeuse lesbienne tuée en 2008, se déroule dans l’indifférence.

Publié le 3 septembre 2009 Lecture : 2 minutes.

La championne du monde du 800 m est suspectée d’être hermaphrodite et non homosexuelle. Mais les parallèles entre les deux jeunes femmes sont frappants: Semenya et Simelane sont deux athlètes de haut niveau, issues de milieux modestes, à la puissance masculine.

Pourtant, la comparaison s’arrête là. La jeune Semenya, 18 ans, a été accueillie en héroïne à son retour des championnats de Berlin la semaine dernière.

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Simelane, elle, est perçue comme une victime de l’homophobie prévalente en Afrique du Sud, où les apparences non conformes aux schémas sexuels traditionnels sont mal acceptées en dépit d’une Constitution extrêmement progressiste.

"Il y un certain enthousiasme nationaliste envers Caster Semenya. Les gens se sont ralliés à sa cause parce que cela (la mise en doute de son identité sexuelle) est perçu comme une insulte et une attaque provenant de l’extérieur", explique Lisa Vetten, du Centre de défense des droits de l’Homme Tshwaranang. "Mais si ces attaques contre des hommes effeminés ou des femmes masculines viennent de l’intérieur, personne ne dit rien", poursuit-elle.

Discriminations et "corrections"

L’Afrique du Sud se veut pourtant à la pointe du combat contre les discriminations, quinze ans après la fin de l’apartheid. Sa Constitution garantit l’égalité des droits de ses citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle. C’est le seul pays sur le continent africain à autoriser les mariages homosexuels.

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Dans la réalité, les mentalités n’ont pas suivi: les femmes en mini-jupe ou pantalon sont régulièrement aggressées, des adolescentes enlevées pour être mariées et 500.000 viols commis chaque année, soit l’un des taux les plus élevés au monde. Un Sud-Africain sur quatre reconnaît avoir violé une femme une fois dans sa vie.

Eudy Simelane, 29 ans, a été violée par quatre hommes. Le corps de cette arbitre professionnelle de football a été retrouvé dans un terrain vague du township de Kwa Thema, à 40 km au sud-est de Johannesburg. Des militants pour les droits des homosexuels estiment qu’elle a été violentée parce que lesbienne, une pratique appelée "viols de correction" par laquelle les hommes prétendent "soigner" les femmes de leur homosexualité.

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Homophobie

Ces attaques vont parfois jusqu’au meurtre. Selon un récent rapport, une trentaine de lesbiennes ont été tuées au cours de la décennie écoulée dans de telles circonstances. Un seul prévenu a été condamné.

La justice a estimé que le meurtre de Simelane n’était pas lié à son orientation sexuelle. Mais le procès de ses assaillants, dans la petite ville minière de Delmas, près de Johannesburg, a été utilisé par les militants comme plate-forme contre l’homophobie en Afrique du Sud.

Les homosexuels, comme partout en Afrique, y sont souvent perçus comme "non-Africains". Le président Jacob Zuma, élu en mai, avait dû présenter des excuses en 2006 pour avoir qualifié les mariages homosexuels de "honte". L’année dernière, une étude a montré que 80% des Sud-Africains se prononçaient contre des relations sexuelles entre deux hommes ou deux femmes.

La mère de Simelane, Mally, ne comprend pas cette haine. "Je veux dire aux autres mères que ce sont nos enfants", a déclaré à l’AFP cette ancienne domestique. "Ce ne sont pas des animaux mais des êtres humains. Ce sont les enfants de l’Afrique du Sud d’aujourd’hui. "

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